[Rendez-vous lecture du vendredi] Le Dernier Souffle

Publié le 31 mars 2023 par Céline Roman
« Les différents rapports de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) ont montré que l’on mourait encore trop souvent dans des conditions inacceptables en France », rappelle le Dr Grange.

Voilà, nous y sommes, au cœur des soins palliatifs de l’hôpital de Houdan, dans les Yvelines. Là où personne ne souhaite aller et pourtant… Le philosophe Régis Debray et plus encore la prévoyante curiosité de l’homme confronté à des accidents de santé, nous en ouvre grand les portes. Mais très vite, celui-ci s’efface pour faire la part belle au médecin qui dirige cette unité depuis plus de vingt ans. La rencontre est marquante.

Chef de service de l’unité de soins palliatifs de l’hôpital de Houdan, dans les Yvelines, le docteur Claude Grange raconte sans emphase son histoire et son cheminement. Un médecin de famille rural qui, à ses débuts, fuit le chevet de ses patients mourants. Puis, le temps, l’expérience, une formation et des drames familiaux le conduisent à devenir ce docteur de l’inguérissable. Celui qui, avec bienveillance, prodigue les derniers soins, accompagne et adoucit autant que possible la fin de vie des personnes en phase terminale.

Mourir chez soi

Même s’il se positionne en ardent défenseur de l’hôpital public, à ses yeux, « le meilleur lieu » où mourir reste la maison. Certes, la prise en charge de la fin de vie s’avère plus compliquée qu’en milieu hospitalier mais elle n’en demeure pas moins réalisable. « L’hôpital, lieu du guérir, devient de plus en plus le lieu du mourir », déplore le Dr Grange. En résulte l’indéniable constat d’une société qui a bel et bien un problème avec la mort, tout comme avec la vieillesse. Crise du Coronavirus, affaire des Éhpad en témoignent. Alors, avec beaucoup d’humanisme, au médecin de s’interroger. À commencer par savoir s’il lui faut dire ou non la vérité au patient.

Soulager et accompagner

Enrichi d’histoires touchantes, ce récit révèle à quel point la mort est un sujet sensible, douloureux, et complexe. Combien, face à elle, les réactions diffèrent et manquent parfois de rationalité, notamment pour ceux qui vont perdre un être cher. « C’est avec la famille que les choses sont difficiles. Elle a besoin de comprendre le pourquoi de ce que l’on fait ou de ce que l’on ne fait pas », raconte le médecin. Alors, entre la volonté du mourant, celle de ses proches, parfois dans le déni de la gravité ou dans la colère, le Dr Grange compose, s’adapte, sans jamais perdre de vue sa priorité. À savoir : soulager et accompagner la personne inguérissable.

Sédater mais pas euthanasier

« À quoi ça sert de continuer à vivre, je sais que je suis foutue. Vous pourriez pas me faire une petite piqûre ? », lui demandera une femme de 60 ans, atteinte d’un cancer incurable. Face aux situations relatées, le médecin nous plonge au cœur même de la condition humaine. C’est à travers son expérience qu’il livre, avec humilité, sa position face à l’euthanasie. Explique et illustre la raison pour laquelle, il n’est pas pour la modification de la loi actuelle sur la fin de vie, la loi Claeys-Leonetti. Pour lui, soulager une souffrance, une détresse respiratoire d’une sédation profonde au risque d’abréger la vie, c’est une chose. C’en est une autre « d’injecter un produit avec l’intention de faire mourir ».

À lire aussi – Fin de vie : s’informer pour se forger une opinion

Rédiger ses directives anticipées

Voilà pourquoi, il insiste sur l’importance de mieux faire connaître la possibilité de rédiger ses directives anticipées « qui doivent être respectées par les médecins ». Et ainsi « décider pour soi-même… » par écrit. Décider de poursuivre ou d’arrêter un traitement médical, s’épargner une « obstination déraisonnable ». Et bien sûr, avoir « la possibilité d’être soulagé de ses douleurs même au risque d’abréger sa vie » en bénéficiant d’une sédation. Fidèle au serment d’Hippocrate, le Dr Grange accompagne les mourants jusqu’à leurs derniers moments, jusqu’au dernier souffle.
Un livre précieux dont « le vrai message, c’est celui-là : resocialiser la mort ».

Le Dernier Souffle : Accompagner la fin de vie, Claude Grange, Régis Debray, éd. Gallimard, 128 p., 13,50 €.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site est protégé par reCAPTCHA et la Politique de Confidentialité de Google et l'application des Conditions d'Utilisation.