Pascale Ribes, présidente d’APF France handicap : « Nous ne voulons plus d’une politique d’aumône sociale »

Publié le 17 avril 2023 par Franck Seuret
La condamnation de la France par le Conseil de l'Europe intervient juste avant la prochaine Conférence nationale sur le handicap, fin avril, trois ans après la première présidée par Emmanuel Macron en 2020.

Dans une décision rendue publique ce 17 avril, le Comité européen des droits sociaux du Conseil de l’Europe dénonce la violation des droits des personnes en situation de handicap par l’État français. Pour Pascale Ribes, la présidente d’APF France handicap, cette condamnation est « un aiguillon pour que la France révise profondément sa politique du handicap ».

Faire-face.fr : Pourquoi cette décision du Conseil de l’Europe est-elle importante ?

Pacale Ribes est la présidente d’APF France handicap. © Jérôme Deya

Pascale Ribes : La charte sociale européenne est un traité du Conseil de l’Europe. Elle garantit les droits sociaux et économiques fondamentaux, c’est-à-dire les droits de l’homme liés à l’emploi, au logement, à la santé, à l’éducation, à la protection sociale et aux services sociaux. Avec ses 46 États membres, le Conseil de l’Europe est la principale organisation de défense des droits de l’homme en Europe. Son Comité européen des droits sociaux a la charge de vérifier que les États membres respectent bien leurs engagements. Il est composé de quinze experts indépendants et impartiaux.

La France viole plusieurs articles de la charte. »

Nous l’avons saisi en 2018 avec trois autres associations de personnes handicapées. Nous estimions que la France ne mettait pas en œuvre les mesures nécessaires pour garantir aux personnes en situation de handicap les droits fondamentaux que la charte définit. Le Comité a écouté nos arguments et ceux du Gouvernement. Il a aussi reçu les observations du Défenseur des droits et de la Commission nationale consultative des droits de l’homme. Et, au final, il a établi que la France violait plusieurs articles de la charte.

F-f.fr : Qu’est-ce que cela va changer pour les citoyens ?

P.R : Les décisions du Comité européen des droits sociaux se réfèrent à des dispositions juridiques contraignantes. Elles sont adoptées par un organisme de contrôle établi par la charte et ses protocoles. Dès lors, les États concernés doivent les respecter. La France est donc tenue d’adapter sa législation et sa réglementation pour ne plus violer la charte. En revanche, c’est là que le bât blesse, elle ne sera pas sanctionnée si elle ne fait pas.

Aucun pays n’aime qu’on le pointe du doigt. »

Mais aucun pays n’aime qu’on le pointe du doigt. On a déjà pu constater que les rapports du Comité des droits sociaux incitent fortement la France à réviser ou à accélérer ses politiques. Les décisions de 2003 et 2013 concernant la situation des enfants et des adultes autistes ont ainsi directement débouché sur les différents plans autisme.

F-f.fr : Cette décision est rendue publique moins de deux semaines avant la Conférence nationale du handicap que présidera Emmanuel Macron, le 26 avril. Est-ce une opportunité ?

P.R : C’est un aiguillon pour que la France révise profondément sa politique du handicap. Aujourd’hui, nos décideurs publics n’ont pas une approche basée sur les droits des personnes. Ils prennent des décisions au coup par coup, en fonction des urgences. Les mesurettes ne suffisent plus ! Nous ne voulons plus d’une politique d’aumône sociale.

Le montant de l’AAH est inférieur au seuil de pauvreté. »

Prenons l’AAH, par exemple. Certes, nous avons obtenu sa déconjugalisation. Mais cette allocation reste un minimum social dont le montant est inférieur au seuil de pauvreté. Or, la charte sociale européenne garantit le droit à une protection contre la pauvreté. Le Comité estime d’ailleurs que la prévalence de la pauvreté parmi les personnes en situation de handicap constitue un indicateur important de l’efficacité des efforts de l’État pour garantir leur droit à l’indépendance, l’intégration sociale et la participation à la vie de la communauté.

L’État doit mettre en place un revenu de remplacement pour les personnes en situation de handicap dans l’incapacité de travailler. Tant qu’il ne l’aura pas fait, il violera leurs droits, garantis par la charte.

Comment 1 commentaire

Avis à toute les personnes handicapées, concernant la déconjugalisation des revenus du couple pour l’aah. Pourquoi attendre oct 2023, avec ce que nous subissons avec la hausse des prix ! Une pétition via chang.org est en ligne et il manque 20 signatures ! Merci de partager au maximum !

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