Sep et sexualité, on en parle ?

Publié le 31 mai 2023 par Corinne Manoury
50 à 90 % des hommes et 45 à 70 % des femmes avec une Sclérose en plaques sont confrontés à des troubles sexuels. Le sujet n'est pourtant pas encore assez abordé en consultation.© Image de Freepik

L’OMS la définit comme une composante essentielle de la santé et un droit à garantir. Pourtant, la santé sexuelle peine à s’inscrire dans la prise en charge de la sclérose en plaques. Petite séance de rattrapage au lendemain de la Journée mondiale dédiée à la lutte contre cette maladie.

Dans la sclérose en plaques, c’est le sujet qu’on passe sous silence. Les patients, parce qu’il y a déjà tellement de choses à dire, en si peu de temps de consultation, avec leur spécialiste. Les problèmes sexuels ne deviennent-ils pas alors secondaires ?

Les soignants, parce qu’ils ne se sentent pas forcément plus à l’aise avec ces questions. Peu ou pas formés qu’ils sont pour les aborder. Parfois aussi, parce que ça ne rentre pas dans leur vision de la santé. Comme en témoigne cette réponse faite à une patiente : « On verra ça après ! Ce qui est important pour l’instant, c’est votre santé. »

Deux-tiers des patients touchés

Pourtant, là est l’erreur ! Car, sans santé sexuelle, il n’y a pas de santé globale. L’OMS la définit en effet comme « un état de bien-être physique, mental et social dans le domaine de la sexualité ». Et en fait un droit, posant que « pour que la santé sexuelle puisse être atteinte et maintenue, les droits sexuels de toutes les personnes doivent être respectés, protégés et garantis ».

Les troubles sexuels peuvent se manifester à n’importe quel stade de la maladie »

Sachant que 50 à 90 % des hommes et 45 à 70 % des femmes avec une Sep sont confrontés à des troubles sexuels, on mesure l’ampleur du problème. « Il faut oser en parler à son médecin ! » confirme Claire Guillon, infirmière sexologue qui, pendant dix ans, a tenu une consultation spécialisée au CHU de Toulouse. « Les troubles sexuels peuvent se manifester à n’importe quel stade de la maladie, insiste-t-elle. Parfois même avant tous les autres, comme les troubles oculaires ou ceux de la sensibilité. »

Trois types de troubles sexuels

Elle rappelle que l’on classe ces troubles sexuels en trois catégories : primaires, secondaires et tertiaires. Les troubles primaires étant ceux directement liés aux lésions engendrées par la Sep. Comme la diminution de la lubrification vaginale chez les femmes, les problèmes d’érection et d’éjaculation chez les hommes. Mais aussi les difficultés à atteindre l’orgasme, la baisse du désir, la moindre sensibilité ou l’hypersensibilité des organes génitaux, chez les femmes comme chez les hommes.

Les troubles secondaires, eux, sont liés au handicap et à la maladie. Ce sont la fatigue, les douleurs, la spasticité, les fuites urinaires ou anales, les troubles cognitifs ou les médicaments qui influent négativement sur la libido. Comme les antidépresseurs souvent prescrits au début de la maladie.

Les troubles tertiaires, enfin, comprennent l’ensemble des répercussions de la maladie sur la sexualité : angoisse, stress, image du corps dégradée, perte de confiance en soi, en son pouvoir de séduction… Sans compter la complicité altérée lorsque les personnes sont en couple.

Oser en parler

Pourtant, tout ça se travaille, comme en témoigne Claire Guillon. « J’ai vu des personnes transformées dans leur façon d’affronter la maladie quand elles se sont senties mieux dans leur sexualité. » Les solutions existent donc. Mais pour les trouver et qu’elles soient adaptées, il faut d’abord obtenir une réponse à ses interrogations. C’est justement parce qu’elle a erré pendant six mois sans en obtenir que Delphine Mutot a entamé sa deuxième vie professionnelle, celle de patiente-partenaire.

Je m’étais peu à peu résolue à ne plus avoir d’orgasme et de désir »

En 2020, elle doit renoncer à son projet de tour du monde et fait une dépression. Elle s’engage comme bénévole auprès de Sep’Avenir et écrit des chroniques  “décomplexées” sur ses turpitudes sexuelles. « Je m’étais peu à peu résolue à ne plus avoir d’orgasme et de désir. Je me suis donc plongée dans des lectures pour imaginer une autre sexualité, explique-t-elle. En même temps, j’ai fait des recherches sur d’autres maladies chroniques – endométriose,… – et j’ai réalisé que les mêmes problèmes se posaient. »

Redevenir maître de sa sexualité

Aujourd’hui diplômée en éducation thérapeutique du patient (ETP) et en santé sexuelle, elle co-animera, à la rentrée 2023, les ateliers “vie intime, affective et sexuelle” du service de neurologie de la Pitié-Salpêtrière, à Paris, et ceux du réseau Sindéfi.

En parallèle, elle peaufine son projet de média, Madita, dont l’objectif est de libérer la parole sur ce sujet encore tabou qu’est la sexualité avec une maladie chronique. « Il faut que chaque patient puisse redevenir maître de sa sexualité, décider de ce qui lui va. C’est comme une salade composée. À chacun de trouver sa recette ! »

À l’Hôpital européen de Marseille, c’est avec un brainstorming que les patients sont invités à trouver une définition de la santé sexuelle. Avant que ne leur soit rappelée celle de l’OMS et qu’ils puissent parler de la leur, à l’aide d’images symboliques conçues par la psychologue du programme d’ETP Euro-Immun.

« Cet atelier est le lieu où l’on peut déposer tout ce que l’on ressent », explique Yamina Haddouche, infirmière en éducation thérapeutique. « Ce n’est pas une consultation, mais un espace où l’on s’écoute avec bienveillance, quel que soit l’âge, l’orientation sexuelle et que l’on soit en couple ou pas », confirme Magali Ferrer-Rigaud, patiente-experte.

À chacun selon ses envies, ses besoins et ses moyens ! C’est aussi le message que voulait délivrer APF France handicap avec son webinaire “Repenser les lignes de sa vie intime, affective et sexuelle avec une sclérose en plaques”. À voir ou à revoir !

Comment 1 commentaire

Bonjour a tous
Il rst vrai qu en France on a un serieux souci avec la vie sexuelle et affective dans le cas de la maladie et du handicap.
Ayant une maladie auto immune rare autre que la SEP mais provoquant des troubles neurologiques (paresthesies, paresie, paralysie etc…) j ai tout de suite compris au diagnostic que le corps médical et paramédical n imaginait meme pas de penser un seul instant a ma vie affective et sexuelle.
C est comme si parce que j ai cette maladie je n etais plus concernee par le sujet…
Une femme medecin spécialiste a meme ete tres choquée quand m.interogeant sur mes vacances je lui ai repondu “c etait génial j ai trouve un copain sur place et j ai enfin refait l amour …je me suis sentie revivre !”…
Quand j ai vu sa tete et qu elle m a dit que “la n etait pas l.important” je lui ai demandee si parce qu on etait malade ou handicapee on devait faire voeu de chasteté et etre prive de “sea sex and sun”…elle a reconnu qu elle avait un peu derape…sauf que le soir j en ai pleure chez moi…
Depuis je me suis inscrite sur des sites de rencontres gratuits et je croise assez souvent des hommes dans la meme situation que moi (maladie handicap…)..ca m aide et je ne desespere pas de rencontrer l homme de ma vie malgre mon age et ma santé
J ai remarque que chez les chretiens de tout bord paradoxalement la question est beaucoup moins taboue car on considere que tout le monde a le droit d etre aime….puisque Dieu nous aime tous comme nous sommes
Freqienter des chretiens m aide beaucoup sur ce sujet

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