La Ciivise brise enfin le tabou sur les violences sexuelles subies par les enfants handicapés

Publié le 17 novembre 2023 par Franck Seuret
Les enfants ayant une maladie mentale ou une déficience intellectuelle présentent un risque 4,6 fois plus élevé d'être victimes de violences sexuelle que l'ensemble des enfants, rappelle la Civiise.

Dans son rapport final, la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) consacre un chapitre aux mineurs handicapés. Ses 82 recommandations s’appliquent à tous, avec ou sans handicap. Mais elle insiste sur la nécessité de rendre accessibles les mesures mises en place.

On ne pourra plus dire qu’on ne savait pas. Dans son rapport final, rendu public ce vendredi 17 novembre, la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) documente largement celles subies par les enfants en situation de handicap.

6 enfants handicapés sur 10 dénonçant des violences sexuelles ne sont pas crus

Pourtant, ces enfants se trouvent surexposés aux violences sexuelles. Comme le rappelle la Ciivise, ceux ayant une maladie mentale ou une déficience intellectuelle présentent un risque 4,6 fois plus élevé que les autres.

De plus, « le déni qui entoure ces violences est plus accentué », souligne la commission, qui se base, notamment, sur les quelque 1 500 réponses de personnes en situation de handicap à son appel à témoignage.

Ainsi, plus de 60 % des enfants handicapés qui révèlent les violences ne sont pas crus. C’est trois fois plus que pour ceux sans handicap (22%). « C’est la conséquence directe de l’infantilisation de la personne en situation de handicap et de mise en doute de sa parole », analyse la Ciivise. Quant aux proches et aux professionnels, ils attribuent souvent les signes du traumatisme au handicap plutôt qu’à d’éventuelles violences, au risque de les invisibiliser.

Violences non verbalisées, impact aggravé

Par ailleurs, l’impact psychotraumatique des violences est plus sévère sur les enfants en situation de handicap, comme le montre l’analyse de leurs témoignages. Sans doute parce que nombre d’entre eux n’arrivent pas à verbaliser ce qu’ils ont vécu. Or, la capacité à mettre des mots sur l’évènement minimise le risque de développer un état de stress post-traumatique.

Enfin, si le handicap constitue une cause de vulnérabilité évidente, il peut aussi être aggravé par les violences subies. Voire même en être la conséquence.

Rendre imprescriptibles les violences sexuelles sur enfants

Si la Ciivise consacre un chapitre entier au sujet des violences subies par les enfants handicapées, elle a la bonne idée de ne pas différencier ses 82 recommandations. De fait, elles s’appliquent donc à tous, avec ou sans handicap. Rendre imprescriptibles ces crimes. Organiser le repérage par le questionnement systématique. Faciliter la consultation du Fichier des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes, etc.

Ce qui ne l’empêche pas d’insister sur la nécessité de rendre accessibles les outils utilisés. Elle recommande ainsi d’adapter aux enfants handicapés, notamment ceux atteints de troubles du spectre de l’autisme, le protocole NICHD qu’utilisent policiers et gendarmes pour auditionner les mineurs. « Une attention particulière à la protection des enfants handicapés favorise des bonnes pratiques qui répondent aux besoins universels de tous », souligne la Ciivise.

Supprimer l’amendement Creton, une proposition non retenue

Cette « attention » de la Commission, qui était loin d’être gagnée, doit beaucoup à la présence de Marie Rabatel. La présidente de l’Association francophone des femmes autistes faisait partie des 25 membres nommés par le Gouvernement. 

Cette experte du sujet des violences a toutefois un regret. « Le rapport final n’a pas retenu ma proposition d’encadrer l’amendement Creton pour aller vers sa suppression », précise-t-elle. Cette disposition législative autorise le maintien dans des établissements pour enfants d’usagers ayant dépassé la limite d’âge autorisée mais n’ayant pas de place dans une structure pour plus de 20 ans. « Accepte-t-on la cohabitation de fillettes avec des hommes dans une colonie de vacances ?, insiste-t-elle. Non, bien sûr, car on a conscience des risques. Alors pourquoi ferme-t-on les yeux lorsqu’il s’agit d’enfants handicapés ? »

Cassée debout [France 3] – Le nécessaire combat de Marie Rabatel contre les violences sexuelles à l’égard des personnes handicapées

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