Marcel Nuss, héraut du droit à l’assistance sexuelle, est mort

Publié le 14 février 2024 par Élise Descamps
En 2021, Marcel Nuss avait publié Je ne suis pas une apparence. Un livre pour enrichir la réflexion autour des conséquences directes et indirectes que peuvent avoir sur une personne les préjugés fondés sur sa seule apparence. © DR

Il avait fait du droit à l’assistance sexuelle le combat de sa vie. Marcel Nuss est mort, hier, 13 février 2024, à 68 ans. Ironie de l’histoire : il est parti une veille de Saint-Valentin, laissant orphelines tant de personnes l’ayant suivi dans sa volonté de ne pas taire la vie affective et sexuelle des personnes en situation de handicap.

Marcel Nuss est mort. Lourdement handicapé par une amyotrophie spinale, cet intellectuel et militant a mené une vie extrêmement active et d’une grande fécondité intellectuelle, lui qui a écrit 23 livres. Essayiste, romancier, poète, conférencier, journaliste, consultant, acteur associatif, il laisse derrière lui un immense témoignage, complété par deux biographies, dans lesquelles il a retracé son parcours. Notamment, en 2015, En dépit du bon sens. Autobiographie d’un têtard à tuba (Éd. Éveil citoyen).

Militant de la désinstitutionalisation

Originaire d’Alsace, où il est né et a passé de nombreuses années, sa paralysie quasiment totale et une nécessaire assistance respiratoire l’obligent à arrêter sa scolarité à 15 ans. À 19 ans, il frise la mort. S’ensuivent six années en service de réanimation à l’hôpital. C’est là qu’il découvre l’amour, la séduction, le sexe. Bien plus tard, en 2012, il raconte son expérience des escorts girls dans son livre Je veux faire l’amour (Éd. Autrement). Marié, plusieurs fois, père, il fut un grand défenseur des proches aidants et de la vie en autonomie à domicile et non en institution.

En 2002, il influence d’ailleurs la Loi rénovant l’action sociale et médico-sociale. Et c’est la même année qu’il fonde la Coordination Handicap et Autonomie  soutenant les personnes souhaitant vivre de façon autonome. Deux ans plus tard, il travaille brièvement comme chargé de mission de médiation et de communication au secrétariat d’État aux personnes handicapées. Il travaille aussi comme chargé de mission au conseil départemental du Bas-Rhin.

Formateur d’assistants sexuels

En 2007, il cofonde le Collectif handicaps et sexualités (CHS) pour défendre le droit à une assistance sexuelle en France, qui la considère comme une forme de prostitution. En 2014, c’est l’Association pour la promotion de l’accompagnement sexuel (Appas) qui voit le jour. La première association en France à former des accompagnants sexuels et à les mettre en relation avec des personnes handicapées.

L’Appas organise sa deuxième formation à l’accompagnement sexuel

Marcel Nuss était un personnage à la fois admiré, reconnu, et contesté dans le monde du handicap pour le courage et la radicalité de ses positions. Il a sans aucun doute largement contribué à nourrir la prise de conscience sur la nécessité de s’emparer du sujet global de la vie affective et sexuelle. Et a documenté la demande en accompagnent sexuel. De son expérience, il a énormément témoigné en donnant des conférences et en intervenant dans diverses écoles de formation aux métiers du médico-social. En infatigable héraut d’un nécessaire changement de regard.

Mourir lucide

Depuis 2015, il était installé dans l’Hérault avec son épouse Jill Prevôt-Boutillon. Il se consacrait moins ces dernières années à ses activités associatives et privilégiait son activité professionnelle de coach de vie-développement personnel.

Courant janvier, il avait publié le dernier exemplaire de sa newsletter, Au fil des mots qui pansent. Il y décrivait son dépit face à ses difficultés de recrutement d’auxiliaire de vie et sa douleur à l’aube d’une vie qui ne l’a pas ménagé. Ses derniers mots étaient ceux-ci : « Je mourrai debout dans ma tête et les yeux ouverts, c’est tout ce qui m’importe. Vivre, c’est regarder la mer qui se retire pour découvrir le Néant avec l’inscription : ci-gît celui qui a regardé sa vie en face. »

Comment 2 commentaires

Bien triste nouvelle, qui fait écho à sa dernière newsletter où le dépit et le découragement envahissaient l’espace…En espérant que son combat d’un nécessaire changement de regard ne se heurte pas à la frilosité voire au manque de courage d’une société plus bavarde qu’active.

Il a beaucoup inspiré ma réflexion et mon engagement ,avec lui j’ai eu le privilège d’élaborer une proposition de loi concernant la vie Affective et sexuelle des Personnes Handicapée .Cette initiative s’est malheureusement heurtée à l’ostracisme de la ministre de la santé de l’époque ce qui n’a nullement découragé Marcel dans son action militante .J’ai un respect amical et admiratif pour ce qu’il a été et pour ce qu’il a fait .Il a démontré que l’Amour n’est pas un sentiment fade ,mais que c’est une force ,une vertu , une merveille et que chacun doit pouvoir en faire une espérance de vie .Merci Marcel .

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