Tu ne tueras point [France 2] : un téléfilm qui alimente la compassion sur les meurtres d’enfants handicapés par leurs parents

Publié le 2 avril 2024 par Franck Seuret
Samuel Le Bihan joue le rôle de l'avocat qui défend la mère infanticide, interprétée par Natacha Régnier. C'est l'acteur, père d'une fille autiste, qui a eu l'idée du téléfilm Tu ne tueras point. ©France Télévisions

Tu ne tueras point, diffusé sur France 2 mercredi 3 avril, met en scène le procès d’une mère ayant poussé à l’eau sa fillette autiste. Un téléfilm empreint de la compassion qui accompagne souvent le traitement médiatique et judiciaire de ces meurtres d’enfants handicapés par leurs parents. De tels filicides se produisent pourtant régulièrement.

C’est un film de procès que va proposer France 2 au lendemain de la journée mondiale de sensibilisation à l’autisme du 2 avril. Le procès d’une mère ayant tué sa fille autiste de 11 ans. « Pour mettre fin aux immenses et irrémédiables souffrances de son enfant », explique le communiqué de presse. « Ce film est une fiction, librement inspirée de faits réels », précise Samuel Le Bihan, lui-même père d’une fille autiste, à l’origine du projet.

L’acteur, qui joue le rôle de l’avocat de la mère, n’avait que l’embarras du choix. Car des filicides (le meurtre d’un enfant par son parent) – ou tentatives de filicides – d’enfants handicapés se produisent régulièrement. Sur la période 2019-2024, Faire-face.fr en a relevé un à deux par an, (un en 2023 et 2022 ; deux en 2021, 2020 et 2019). Et ce décompte non exhaustif se base uniquement sur des articles de presse en ligne.

Des tragédies très diverses pointant les manques de notre société

L’âge des victimes s’échelonne de 3 à 36 ans. Cinq avaient au plus 15 ans et entrent donc dans la catégorie des infanticides (voir encadré). Les handicaps sont de tous ordres : trisomie 21, autisme, polyhandicap… Les modes opératoires, aussi : administration de médicaments, coups de couteau, noyade, étranglement, étouffement… Quant aux auteurs, ce sont souvent des mères, parfois des pères. Après leur geste, certaines et certains se sont suicidés ou ont tenté de le faire.

Des tragédies très diverses, mais qui, souvent, disent quelque chose de notre société : le manque de solutions adaptées aux besoins, l’insuffisance de soutien aux aidants, la stigmatisation des personnes handicapées… Autant de carences qui provoquent l’isolement des parents, leur épuisement, leur inquiétude quant à l’avenir de leur enfant après leur disparition. Entre autres.

« Pour qu’ils en arrivent là, il faut une combinaison de facteurs »

Pour autant, ces faits divers restent des histoires très singulières. Seule une infime minorité de parents passent à l’acte. « Pour qu’ils en arrivent là, il faut une combinaison de facteurs psychologiques personnels, d’enjeux familiaux et généalogiques (…), de carences institutionnelles et de contexte social  », souligne le psychologue clinicien Jean-Pierre Durif-Varembront, dans un texte consacré au meurtre des enfants handicapés.

Traiter des filicides revient d’abord à parler des parents, au détriment des enfants 

Traiter des filicides revient donc d’abord à parler des parents et, le plus souvent, de leur souffrance qui les aurait conduit à commettre l’irréparable. La société fait d’ailleurs, dans son ensemble, souvent preuve de compassion à leur égard.

« Un geste de désespoir », titre ainsi Marianne à propos d’une mère soupçonnée d’avoir administré, en novembre 2021, une dose létale de médicaments à sa fille de 20 ans, trisomique. « Enfer du handicap : une mère jugée pour avoir tué sa fille », annonce Europe 1, à propos de Laurence Nait Kaoudjt, qui avait étranglé sa fille de 8 ans, en 2015.

Du sursis, souvent

Quant à la justice, elle se montre plutôt clémente avec les auteurs de ces filicides. Dans la douzaine de condamnations dont Faire-face.fr a connaissance, le sursis reste la norme. Les peines de prison, elles, varient généralement de 2 à 5 ans.

Lors du procès, en 2001, d’Anne Pasquiou qui avait poussé son fils autiste de 10 ans à l’eau, l’avocat général, qui représente la société, avait requis « une peine de principe, une peine de prison avec sursis, mais qui ne soit pas dérisoire, indiquant clairement votre désapprobation, tout en restant bienveillante et clémente ». Les jurés de la cour d’assises l’avaient condamnée à trois ans d’emprisonnement avec sursis.

De la prison ferme, rarement

De rares meurtriers ont toutefois pris de la prison ferme. Seize ans, notamment, en 2020, pour Séverine Michelin, qui avait poignardé son fils de 14 ans en 2016. Six ans, en 2023, pour une mère de famille ayant tenté de tuer son fils de 3 ans, en 2020. Huit ans, en 2024, pour Sébastien Dupuis qui avait frappé son fils de 5 ans en 2020, les coups ayant entraîné la mort. Des peines de prison fermes prononcées récemment. Le signe d’un durcissement ? Difficile de le dire, chaque cas étant particulier.

Tu ne tueras point n’a rien d’outrancier

Quelques phrases du téléfilm peuvent choquer. « En tant que soignant, vous ne pouvez pas être insensible au calvaire que vivait sa mère », lance l’avocat, lors d’un rendez-vous avec un médecin. « Personne n’est dupe. Tôt ou tard, ce sont des questions que tous les aidants sont amenés à se poser », répond-elle, dans un raccourci saisissant.

Cette réserve faite, Tu ne tueras point n’a rien d’outrancier. Il restitue l’acte d’une mère dans le contexte d’une société française insuffisamment attentive aux personnes handicapées et aux aidants. Et il n’élude pas pour autant sa responsabilité individuelle, elle qui s’isole progressivement dans un tête-à-tête avec sa fille. Globalement, le téléfilm est empreint de la même compassion qui accompagne le traitement médiatique et judiciaire de ces faits divers.

Appel à rassemblement devant le siège de France Télévisions

Reste que le choix de France 2 de programmer ce film dans la foulée de la journée mondiale de sensibilisation à l’autisme est dérangeant. « Si la détresse des familles est réelle, ce cadrage pose problème car il privilégie le temps d’antenne et l’empathie pour une meurtrière au lieu du vécu des personnes concernées, le lendemain de cette journée qui les concerne ! », souligne le Collectif pour la liberté d’expression des autistes.

CLE autistes a d’ailleurs appelé à un rassemblement devant le siège de France Télévisons, le soir de la diffusion. Une manière de rappeler également que toute vie mérite d’être vécue et que nul ne peut en décider autrement sinon la personne elle-même. Dans tout filicide, la première victime reste l’enfant.

Tu ne tueras point sera diffusé mercredi 3 avril à 21h00 sur France 2. Le téléfilm sera suivi d’un débat

Filicide ? Infanticide ? 

Un filicide est le meurtre d’un enfant par l’un de ses parents, quel que soit son âge.

Un infanticide, juridiquement, désigne le meurtre, d’un mineur âgé d’au plus 15 ans, par toute personne, avec ou sans lien de parenté.

Selon un rapport de l’inspection générale des affaires sociales, quelque 70 meurtres de mineurs d’au plus 15 ans par leurs parents se produiraient chaque année.

Selon l’article 221-4 du code pénal, tous sont punis de la réclusion à perpétuité.

Comment 5 commentaires

Difficile de mesurer la force de l’amour ressenti par les parents qui puisse résister à l’épreuve du handicap de leur enfant au quotidien. Chaque histoire de vie est singulière. En arriver au meurtre de son enfant est un aboutissement très grave qui nous oblige à nous poser des questions sur l’accompagnement des aidants tant au niveau familial que social. Epuisement, solitude, détresse, impuissance? Peut-être tout ça à la fois. Comment résister au long terme face à cette situation? Le fait que la justice s’interroge sur la condamnation à appliquer au parent meurtrier montre à quel point notre système social et notre regard sur le handicap ont en partie “occulté” la souffrance de l’aidant, le plus souvent la mère, le laissant seule face au handicap de son enfant. Ce téléfilm ouvrira peut-être une réflexion sur notre capacité à accueillir la différence et la fragilité de l’autre dans notre vie au quotidien. En tout cas, c’est une bonne idée, Samuel Le Bihan étant lui-même sensibilisé au handicap en tant que père d’une fille autiste.

Ces personnes ne peuvent.est ne doives étre condamner pour les raisont
suivante .avoir un enfant handicapé .ces térrible
il conviendrat .de rappeler au Juges ; que l’état ,ne fait rient ces une des raisont
Il a était condamner par L O N U ; Pour VIOLATION DES DROIT DES
PERSONNES HANDICAPES

J’ai largement relayé la diffusion de ce film autour de moi pour que le plus de personnes possible puisse le REGARDER car enfin il y avait à REGARDER.
La vie d’une personne dont le handicap est sévère et celle de son(ses) proche(s) en première ligne d’accompagnement (les aidants) est bien trop cachée, tant dans la vie quotidienne que dans l’information en général. C’est un sujet que très peu de médias abordent : serait-ce parce que la prise en charge relève de l’état ? (nous tous donc).
Ce film ne m’a pas laissée indifférente, je n’ai pu retenir quelques larmes. Cette mère (par ascendance), cette femme (être humain), cette épouse (par amour) n’a pas fait un choix de vie : regarder chaque jour souffrir sa fille et par conséquent souffrir elle aussi. Elle est juste LA SEULE QUI L’AIME, comme certains le disent “jusqu’à la mort” de chacune d’elle.
Ici est évoqué la mort de cette enfant, causée par sa mère. N’oublions pas le nombre de suicides de parents/aidants qui laissent là aussi derrière eux des enfants qui seront placés LA OU ILS N’ONT PAS LEUR PLACE (en “situation d’urgence” parce qu’avant l’acte irréparable il n’y avait pas d’urgence…) sans avenir et trop souvent dans des conditions de vie insupportables pour eux.
Je ne cautionne pas l’acte de la maman mais je la comprends tellement !
Moi-même j’ai eu et ai toujours, par périodes, des pensées suicidaires.
Ce qui n’est pas mieux pour mon fils de 28 ans polyhandicapé et autiste.
Pour autant, nous tous supportons une vie douloureuse principalement imposée par la cécité et la surdité (pour rester dans les termes relatifs au handicap) des pouvoirs publics et de la société en général.

Ayant eu un enfant lourdement handicapé à la naissance, ayant passé plusieurs mois entre la vie et la mort et “réanimé” à chaque fois par des soignants obtus, j’ai eu un cancer 3 ans après, à l’époque où le stress commençait à être pris en compte par les chercheurs comme cancérigène… Ayant eu un second enfant par IUI 2 ans après, rencontrant de gros problèmes professionnels liés au premier, détruit par la fatigue nerveuse et le manque de sommeil, écoeuré par la Société, me détruire avec mon enfant m’a traversé plusieurs fois l’esprit, “la maman pouvant refaire sa vie avec notre second bébé”… Le premier a maintenant 23 ans, et, comme dans le film, nous nous angoissons pour son avenir après nous…

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