Série 2/4 Comment ma vie a basculé – « Faute de solution adaptée à son handicap, mon fils est tombé dans la délinquance »

Publié le 30 avril 2024 par Franck Seuret
« J'ai reçu un coup de fil de la Police nationale. Des agents avaient arrêté Romuald sur un point de vente de drogue. Il faisait le guetteur. »

À l’école ordinaire, Romuald (1), atteint d’un TDA sévère, est allé d’exclusion en exclusion. Mais il n’a jamais bénéficié d’une place dans un dispositif adapté, de type Ulis ou Itep. À 12 ans et demi, après un énième échec, il a fugué. Trafic de drogue, arrestation, nouvelles fugues, condamnation. La trajectoire malheureuse d’un enfant victime d’un manque de prise en charge des institutions, raconté par sa mère.

« Romuald n’avait que 12 ans et demi lorsqu’il a fugué la première fois. Je suivais sa trace sur l’application Snapchat. J’ai vu qu’il s’était débrouillé pour descendre à Marseille mais je ne savais pas exactement où il était.

Trois mois après qu’il ait quitté Nantes, où il était accueilli chez des proches, j’ai reçu un coup de fil de la Police nationale. Des agents l’avaient arrêté sur un point de vente de drogue. Il faisait le guetteur. Le choc. J’étais à la fois angoissée et soulagée. Je ne savais pas dans quel état j’allais retrouver mon fils.

Condamné à quatre mois de prison avec sursis

Je l’ai ramené à la maison mais il a de nouveau fugué pour repartir sur des points de deals, dans d’autres villes du Sud de la France. Il a fini par être jugé et condamné à quatre mois de prison avec sursis. Petit à petit, j’ai réussi à apprivoiser le petit animal sauvage qu’il était devenu. J’ai dû lui réapprendre le rythme du jour et de la nuit, les repas en famille, les horaires à respecter…

Aujourd’hui, il est suivi par la protection judiciaire de la jeunesse. Il a une place dans une classe relais, qui accueille pour quelques mois des jeunes déscolarisés. Mais c’est très difficile pour lui car ses échecs répétés l’ont amené à développer une véritable phobie scolaire.

Exclu de l’école dès le CM2

L’école a toujours été compliquée pour lui. Romuald ne tenait pas en place, n’arrivait pas à se concentrer, s’opposait aux adultes… Son comportement était tellement problématique qu’on a consulté des spécialistes. Le verdict est tombé quand il était au CM1 : trouble sévère du déficit de l’attention. En CM2, au début du deuxième trimestre, le directeur de l’école primaire nous a dit qu’il ne pouvait plus l’accueillir. Il a fini son année scolaire à la maison, où j’ai assuré l’instruction en famille.

Puis, en 6e, il est allé dans un collège de Montpellier, où nous habitons. Mais il a de nouveau été exclu. Il est alors allé d’établissement en établissement. J’ai tout essayé, y compris des écoles alternatives. Mais rien n’a tenu. J’ai fini par l’envoyer à Nantes, où j’avais des parents. Le collège ne le prenait que deux heures par jour. Un nouvel échec. C’est à ce moment-là qu’il a fait sa première fugue.

Une autre forme de marginalité

Depuis son plus jeune âge, Romuald n’a jamais bénéficié d’une solution adaptée à son handicap. Ni en milieu ordinaire. Ni dans un service ou un établissement médico-social. La MDPH avait pourtant reconnu ses besoins en l’orientant vers un Sessad(2), une Ulis, un Itep(3)… Mais il n’a jamais été prioritaire. En Segpa(4) non plus, car il n’avait pas assez de lacunes.

C’est pour ça qu’il est tombé dans la délinquance. La place que les instituions ne lui ont pas accordée, Romuald se l’est faite dans les réseaux illégaux. Mis à l’écart en raison de son handicap, il a rejoint une autre forme de marginalité.

J’ai fait tout ce que je pouvais

Dans ce parcours scolaire plus que chaotique, je n’ai pas vraiment été soutenue. Les professionnels de l’Éducation nationale ont souvent alerté les services de l’aide sociale à l’enfance. Comme si j’étais responsable du comportement de mon fils, comme si c’était ma faute. Au total, j’ai dû faire face à onze informations préoccupantes [le signalement par des professionnels, au Département, d’une situation de danger pour un mineur] qui ont débouché sur des enquêtes sur mon comportement avec Romuald. C’est extrêmement déstabilisant. Surtout pour une mère comme moi qui travaille comme éducatrice spécialisée ! Mais on n’a jamais rien pu me reprocher car j’ai fait tout ce que je pouvais. Y compris me tourner vers des professionnels libéraux pour les soins, car les centres médico-psycho-pédagogiques étaient débordés.

J’essaie de lui trouver un pré-apprentissage

Romuald va avoir 15 ans. La MDPH lui a reconnu un taux d’incapacité de 50 à 79 %. J’essaie maintenant de lui trouver une place en prépa-apprentissage, un parcours d’accompagnement vers l’apprentissage. La cuisine, ça lui plaît. Mais je suis inquiète de savoir s’il aura le niveau scolaire requis. Cette fois, il faut que ça marche. Car au prochain dérapage, c’est la prison qui l’attend. »

(1) Le prénom a été modifié. (2) Service d’éducation spéciale et de soins à domicile. (3) Institut thérapeutique, éducatif et pédagogique. (4) Section d’enseignement général et professionnel adapté.

À la croisée du handicap et de la délinquance

Romuald est loin d’être un cas isolé. Les rares études sur le sujet montrent que les enfants en situation de handicap sont surreprésentés parmi les mineurs suivis par la protection judiciaire de la jeunesse. Près de 20 % des jeunes en centre éducatif fermé ont un handicap reconnu par la MDPH. Faire-face.fr va consacrer un article à cette problématique méconnue.

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