Troubles bipolaires : le rôle fondamental des aidants

Publié le 30 mars 2023 par Élise Descamps
Chantal Suran a accompagné son mari et accompagne aujourd'hui ses deux enfants, tous souffrant de troubles bipolaires.

Ne pas se voiler la face, comprendre la maladie, soutenir : le rôle des proches de personnes souffrant de troubles bipolaires est essentiel. Pour la Journée mondiale des troubles bipolaires du 30 mars, l’association Argos 2001, spécialisée dans cette pathologie chronique, se penche sur la place de la famille. Chantal Suran, 73 ans, y est écoutante sur l’antenne de Limoges. Elle sait de quoi elle parle : ses deux enfants sont atteints par cette maladie et son mari l’était aussi.

Vivre avec la bipolarité, Chantal Suran, 73 ans, connaît. Pas la sienne. Celle de son mari. Et celle de ses deux enfants, aujourd’hui âgés de 38 et 42 ans.

« La maladie de mon mari s’est déclarée, après dix ans de mariage, par une crise délirante. Il était ingénieur en génie mécanique ; moi, infirmière. Il était auparavant si volontaire, avait construit notre maison. D’un coup, il n’a plus réussi à travailler, ne voulait plus sortir. La mélancolie s’est installée dans notre vie. Je ne le comprenais pas. »

Chantal se voit alors obligée de prendre les rênes. « J’ai appris à assumer des responsabilités et à le protéger. C’était difficile. Être un proche d’une personne souffrant de bipolarité, c’est supporter les différents changements d’humeur, faire le tampon avec les autres. C’est épuisant. »

Difficile diagnostic de la bipolarité

Malgré les hospitalisations en psychiatrie, le diagnostic n’est jamais posé. En tous cas, jamais dit et donc la maladie est mal traitée. Durant 22 ans, cette inconnue demeure comme une épée de Damoclès au-dessus de leur famille, jusqu’au suicide du père, il y a neuf ans. « Le fait qu’il ne comprenne pas ce qu’il avait ne l’a pas aidé à bien prendre ses médicaments, dont les effets secondaires étaient nombreux. Et nous, sa famille, nous étions toujours renvoyés au secret médical. Encore aujourd’hui, le tabou est si fort que beaucoup de malades et de proches ne savent pas exactement contre quoi ils se battent. »

Quand leur fils, alors étudiant, vit sa première crise délirante, à l’âge de 18 ans, elle comprend que son rôle d’aidante ne fait que commencer. « Ce qui m’a sauvé, c’est qu’en tant qu’infirmière, même si nous étions dans le flou, je savais que c’était une maladie et je l’ai considérée comme telle. » Quelques années plus tard, sa fille de 15 ans déclare, elle aussi, une bipolarité mais sans crise, sous une forme plutôt dépressive. « La difficulté du diagnostic tient notamment à ces manifestations si différentes selon les personnes. »

Ne pas avoir peur des jugements

« J’ai voulu que mes enfants comprennent et acceptent leur maladie, sachent la gérer, dialoguer avec leur médecin, la fassent accepter à leur entourage. Plus la maladie est prise en charge tôt, moins on se désocialise. Trop de familles ne vont pas vers les soins, de peur d’être jugées. Mais ça ne peut qu’aggraver les choses. » 

Aujourd’hui, ses deux enfants travaillent, sont mariés, et Chantal est grand-mère. Elle reste pour eux une oreille et une épaule précieuses avec pour maîtres-mots : confiance, écoute, valorisation, non jugement.

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Se former avec des associations

Selon elle, ce dont les aidants ont le plus besoin, c’est de savoir. « Il faut s’obliger à chercher, se renseigner. Comprendre que c’est un problème biologique, qui se passe dans le cerveau. Que c’est une maladie chronique, à vie. Que le risque de suicide est plus fort, en raison des souffrances endurées… »

Chantal s’est formée avec les associations Unafam, puis Argos 2001, et aujourd’hui elle fait partie des écoutants de cette dernière, sur l’antenne de Limoges. Elle est aussi représentante des usagers à l’hôpital psychiatrique de la même ville, en vue d’améliorer l’accueil des personnes malades et celui de leurs aidants. Elle y a même créé un groupe de proches de personnes s’étant suicidées, afin de s’entraider.

Comment 1 commentaire

Mère d’un garçon de 43 ans, avec des troubles psychiques depuis l’âge de 19 ans, et bénévole à l’Unafam, j’approuve et je confirme tout ce qui a été dit par Chantal au sujet de la maladie “bipolaire” et c’est le même constat pour toute maladie psychique. Merci Elise, votre transcription est très juste.

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