Agressions sexuelles dans un IME : un ado lance l’alerte, dix victimes recensées

Publié le 27 février 2024 par Franck Seuret
Pour communiquer, l'adolescent, qui ne peut pas parler, utilise des classeurs remplis de pictogrammes et un clavier. Il s'en est servi pour dénoncer le prédateur sexuel qui travaillait au sein de son établissement.

Grâce à ses outils de communication alternative et améliorée, un ado polyhandicapé de 14 ans a pu dire à ses parents qu’un éducateur l’avait violé. L’enquête, menée par la brigade des mineurs, a permis d’identifier neuf autres victimes dans cet IME parisien de la Fondation Saint-Jean-de-Dieu, et conduit au placement en détention provisoire de l’agresseur. Les parents de Nathan* témoignent.

« C’est notre fils qui a lancé l’alerte. Grâce à lui, le prédateur qui abusait sexuellement des enfants de son institut médico-éducatif a pu être arrêté. » Sophia* a toujours été convaincue que Nathan*, non oralisant, serait capable de communiquer pour peu qu’elle trouve les bons outils. Cette Parisienne s’est donc formée à la communication alternative et améliorée (CAA) afin de pouvoir accompagner son fils, atteint d’un syndrome génétique rare à l’origine de sa déficience intellectuelle sévère et de ses retards psychomoteurs. Avec succès, puisque le garçon polyhandicapé, aujourd’hui âgé de 14 ans, a appris à se servir d’un classeur de communication à base de pictogrammes (PODD) et d’un logiciel de communication (TD SNAP). Il sait aussi lire et écrire avec l’aide d’un clavier alternatif.

Dix victimes, dont trois violées

« C’était un samedi après-midi, en septembre dernier, dans la salle d’attente de la psychologue comportementaliste qui le suit depuis de nombreuses années. Je lui ai demandé comment cela s’était passé à l’IME. Et là, il a utilisé la combinaison de pictogrammes “fesses” et “langue”. C’était la première fois. » Dans le cabinet de la psy, Nathan confirme. Il écrit que son éducateur lui a « léché le zizi » et demandé de garder « le secret ».

Les parents de Nathan saisissent aussitôt la direction de Saint-Jean-de-Dieu. C’est cette fondation qui gère le centre médico-social Lecourbe, dans le 15e arrondissement de Paris, l’IME où Nathan passe ses journées, dans l’unité spécialisée pour enfants polyhandicapés. Ils portent également plainte au commissariat de police. Dès le lundi, l’éducateur mis en cause, qui avait été recruté deux ans plus tôt, est suspendu par son employeur.

Les auditions des enfants et l’enquête de la brigade des mineurs permettront de recenser dix victimes d’agressions sexuelles au sein de l’établissement, dont trois ayant subi un viol, parmi lesquelles Nathan. « Il a révélé avoir été sodomisé par l’éducateur dans les toilettes », précise Sophia.

Tous les enfants auditionnés n’ont pas réussi à s’exprimer

Les agressions se seraient étalées sur deux années. « Mais pour notre fils, cela venait tout juste de se dérouler lorsqu’il nous en a parlé. À la rentrée en septembre 2023, Nathan a en effet intégré un groupe de sa tranche d’âge. C’est là qu’il s’est retrouvé en contact avec cet éducateur, référent du groupe. »

« Il y a peut-être davantage de victimes, car tous les enfants auditionnés n’ont pas réussi à s’exprimer, souligne le père de Nathan, Éric*. Les policiers de la brigade des mineurs ne sont pas formés pour recueillir le témoignage de personnes ne parlant pas. Et aucun expert de la CAA ne les épaulait. »

Certains parents avaient bien remarqué des changements de comportement chez leur enfant. Des traces sur le corps, aussi. Ils avaient alerté le médecin du centre. « Mais à aucun moment, l’hypothèse d’agressions sexuelles n’a été sérieusement envisagée », regrette-t-il.

L’agresseur se croit protégé par le silence des enfants

« Heureusement que notre fils nous a tout raconté. La CAA peut aussi servir à protéger et à alerter », insiste Sophia. En effet, moins un enfant est en capacité de communiquer, plus il risque de subir des violences sexuelles, l’agresseur se croyant protégé par ce silence contraint. Protégé aussi par l’incapacité de ceux qui entourent la victime à voir dans les troubles du comportement des symptômes d’agression.

« Les professionnels se saisissent trop rarement de ces outils de communication qui ont fait leurs preuves, poursuit la mère de Nathan parlant d’expérience, elle qui milite dans une association de promotion de la CAA. Nous n’avons eu aucun soutien en interne, ou si peu. C’est moi qui lui ai tout appris, moi qui l’ai fait progresser, avec l’aide d’orthophonistes libéraux. »

Nathan écrit qu’il va bien

Mi-janvier, la brigade de protection des mineurs a interpellé l’éducateur, âgé de 53 ans et père d’un adolescent. Il a été déféré au tribunal judiciaire de Paris avant d’être mis en examen et placé en détention provisoire. Les parents attendent désormais la fin de l’instruction judiciaire puis, certainement, le procès devant la cour d’assises.

Et Nathan ? Il continue à aller tous les jours au centre Lecourbe. « C’est son choix, sa décision », précise son père. « Nous regrettons que l’établissement n’ait pas proposé un accompagnement psychologique conséquent pour les victimes, complète sa mère. Il nous écrit toutefois qu’il va bien, qu’il est réparé à 100 %… Mais aussi qu’il ne sera plus jamais le même. »

*Le prénom a été changé.

« Nous avons abandonné les enfants handicapés face aux violences sexuelles et à leurs conséquences »

Comment 7 commentaires

SI vous saviez les horreurs qui se passent dans ces lieux protégés par des enjeux économiques et cette omerta qui tue! J’ai dénoncé des faits similaires sur personne autiste qui avait osé dénoncé son agresseur , un veilleur de it et pour ne pas Faure de vagues, j’ai été accusé d’avoir signalé des faits par lettres anonymes, alors que j’avais porté plainte et j’ai été condamné à du sursis pour me faire définitivement taire, car je n’ai jamais cessé de le faire jusqu’en 2020 où j’en suis tombé gravement malade! bande de monstres qui s-abusent de la vulnérabilité de ces personnes sans défense entre les mains de personnes qui ne voient en eux que des choses, et qui ferment les yeux u participent à ce système, avec les excuses du type”j’ai mes enfants, j’ai mon crédit, c’est partout pareil…” et pendant ce temps là, des monstres continuent à sévir au vu et au su de tous, rotes par ce système qu’il fait dénoncer sans fin! Bravo à ce jeune, héros qui a pu parler et bravo à sa mère qui a cru en lui qui lui a permis d’avoir sa langue!

Bravo à ce jeune qui a osé parler et bravo à sa mère de lui avoir permis d’avoir sa langue et de parler malgré son handicap! si vous saviez le nombre de cas similaires dissimulés par ces associations et salariés qui ferment les yeux par interêt personnel et qui tuent ceux et celles qui osent dénoncer! les lanceurs d’alerte sont alors poursuivis en justice et condamnés pour bâillonner tous les autres ! bande de monstres!

Courage à tous ces enfants dont la Vie est déjà compliquée, alors, face à ce monstre -et je reste polie- … on ne peut qu’avoir du dégoût !
Une fois de plus on constate des agressions minables !
On voit que c’est souvent les parents qui prennent l’initiative de recourir à des outils comme ceux de la CAA, c’est bien dommage que des établissements comme les Ime ne soient pas plus munis d’aides de personnes.
Comme d’habitude, on peut déplorer que les victimes n’ont pas d’accompagnement psychologique !
En espérant qu’il ne sera pas mis dans la case “cinglée”, j’espère qu’il prendra perpétuité et qu’il ne pourra plus “procréer” !
Kate,
Maman d’un enfant handicapé qui a été scolarisé en maternelle/au sein de son foyer par sa Maman, dans une Cliss et deux I.M.E. pendant sa Vie.

Ça me fait peur..c est si facile.. l IME de ma fille a juste éloigné d elle ds les transports un jeune qui lui demandait des nudes..
Lime a un gpe d’habiletés sociales avec ” travail en EARS” mais pas moyen de rencontrer les exucs ni de savoir le contenu des séances ni encore moins d’avoir des traces qu on pourrait reprendre a la maison…
Est ce normal? Pourquoi ne veulent ils rien dire ni rien transmettre?

Je pense que c est la première des choses à quoi il faut penser et se renseigner dans tous les Établissements où il y a des enfants a l école, au sport etc…

Mon fils a été abusé il y a 14 ans, dans une Ime, comment je l’ai su ? Il fesait des gestes typiques d’un viol, il ne parle pas je n’ai donc jamais pu déposer plainte contre le chef de cette ime.

Lorsqu’on rencontré ce chef, notre fils se dirigeait vers lui et se mettait face à lui mais retourné…le chef tentait à plusieurs reprises de “camoufler ” en disant que notre fils fait beaucoup de bêtises qu’il est difficile.

Notre sommes venus par surprise une fois et nous avons trouvé notre fils nu, sans vêtements et la réponse du chef, notre fils aime se déguiser

Nous avions répondu que nous refusons de le voir se balader nu dans l’établissement…un langage de sourd car ça se reproduisait.

De plus notre fils connaissait le bureau du chef comme un endroit familier,
J’ai rapidement fait le lien et j’en ai déduit qu’il y avait à 100% eu des approches, agression sexuelle sur mon fils.

Je me demande également combien de familles fréquentent cette ime ont les mêmes sensation que moi car mon fils n’a pas eu son mot à dire car il ne parle pas (bleu sur les bras malgré tout), comment le prouver ?
J’ai retiré mon fils a l’âge de 7 ans de l’ime et je me suis débrouillé seule.

Cela fait 14 ans que je sens que j’aurais dû déposer plainte pour qu’il y est une inspection. Je m’en veux énormément…

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