Pas de place en Sessad pour une fillette handicapée, l’État condamné

Publié le 29 avril 2015 par Franck Seuret
Tribunal administratif de Rouen
Faute de place en Sessad pour Aurore Boutillier, ses parents ont été contraints d’organiser eux-mêmes sa prise en charge par des professionnels spécialisés.

Aurore,douze ans, scolarisée en milieu ordinaire, n’a pas obtenu de place en Service d’éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad) pendant un an. L’État vient d’être condamné à l’indemniser, elle et ses parents. Un jugement qui pourrait conforter les actions en justice d’autres parents et enfants confrontés au même problème.

C’est une première mais certainement pas une dernière. Il y a quelques semaines, le Tribunal administratif de Poitiers a condamné l’État à indemniser une jeune fille handicapée et ses parents parce qu’il ne lui avait pas octroyé une place en service d’éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad).

En octobre 2013, un autre tribunal administratif avait également condamné l’État : Amélie, 19 ans, n’avait plus de place en établissement spécialisé depuis sa majorité. « Mais dans cette précédente affaire, il s’agissait de place en établissement pour une jeune femme lourdement handicapée, précise Julie Charpin, responsable droits des personnes et des structures, à l’Association des Paralysés de France. Cette fois, le tribunal se prononce sur une place dans un service : c’est inédit, à ma connaissance. »

Une scolarité en milieu ordinaire menacée

Aurore Boutillier, handicapée moteur, a toujours été scolarisée en milieu ordinaire, à Neuville-de-Poitou (Vienne). « Pour les besoins de sa rééducation motrice », elle se rendait régulièrement au Centre d’action médico-sociale précoce (Camsp). La prise en charge par ce Camsp s’est normalement arrêtée lorsque Aurore a eu six ans, en 2009. La Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) de Vienne l’a alors orientée vers un Sessad. Mais aucun service de ce type n’existait à proximité.

Des parents qui refusent une place en IEM

En attendant sa création, la MDPH proposait qu’Aurore soit accueillie dans un Institut d’éducation motrice (IEM). Inacceptable pour ses parents : ils ne souhaitaient pas que leur fille abandonne son cursus scolaire en milieu ordinaire. Ils ont donc été contraints d’organiser eux-mêmes sa prise en charge par plusieurs professionnels spécialisés jusqu’à ce que le Sessad ouvre ses portes en septembre 2010.

La carence d’accueil en Sessad, une faute de l’État

Le tribunal a condamné l’État à verser aux parents et à leur fille, respectivement 2 365,40 € et 4 000 € en réparation des frais engagés et du préjudice moral. Il appuie sa décision du 19 mars 2015 (1) sur le droit à la compensation des conséquences du handicap « garanti à chacun ». De plus, l’enfant handicapé « doit avoir accès, sauf si son état y fait obstacle, (…) au maintien dans un cadre ordinaire de scolarité ». L’État assume la responsabilité d’organiser les services publics de la santé et de l’éducation. Il lui incombe donc de « mettre en œuvre les moyens nécessaires » pour que ces droits soit respectés. « Cette carence en matière d’accueil des enfants handicapés est constitutive d’une faute », a estimé le tribunal.

Un cas qui pourrait faire école

« Cette décision pourrait donner des idées à de nombreux parents d’enfants handicapés, confrontés au même problème », estime Julie Charpin. En Vendée, par exemple, en 2013, 479 enfants n’avaient pas de place dans une structure médico-sociale correspondant à la décision d’orientation de la MDPH, dont 271 en Sessad ! « Nous avons fait remonter ce jugement à l’Agence régionale de santé des Pays de la Loire, précise Stéphanie Ottou, la directrice de la délégation APF de Vendée. Nous comptons bien dupliquer ce genre d’actions en justice autant que nécessaire. » Franck Seuret

(1) À la date de publication de cet article, l’État n’avait pas encore fait appel de ce jugement.

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