L’exil des Français handicapés vers la Belgique, c’est vraiment fini ?

Publié le 23 octobre 2015 par Franck Seuret
Ségolène Neuville a annoncé que l'Assurance maladie ne financerait désormais plus de nouvelles places en Belgique pour les Français handicapés (Photo : le Manneken Pis, à Bruxelles).

« Les départs forcés des personnes handicapées vers la Belgique, financés par l’Assurance maladie, à partir de maintenant, c’est fini. »* Ségolène Neuville, la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées, a pris cet engagement, mercredi 21 octobre, devant les députés. La veille, l’Unapei avait lancé une campagne pour demander au gouvernement de « mettre un terme définitif à l’exil des personnes handicapées en Belgique ». La réaction de Thierry Nouvel, le directeur général de l’Unapei.

Thierry Nouvel, directeur général de l'Unapei
Thierry Nouvel, directeur général de l’Unapei

Faire Face : L’annonce faite par Ségolène Neuville vous satisfait-elle ?

Thierry Nouvel : Nous sommes heureux de voir que nous partageons les mêmes objectifs. Et, il faut le souligner, c’est la première fois qu’un gouvernement s’attaque à ce problème ancien. Mais nous lui demandons d’inscrire cet engagement dans la loi. De plus, il ne concerne que les places financées par l’Assurance maladie, pas celles relevant des Conseils départementaux. Enfin, il ne faudrait pas que cette décision pénalise les familles n’ayant d’autre possibilité que d’envoyer leur enfant en Belgique. Le gouvernement doit dégager des moyens pour créer des solutions adaptées et à proximité. Sinon, bloquer les départs en Belgique conduira à des drames humains.

FF : Pourquoi Ségolène Neuville fait-elle cette distinction entre l’Assurance maladie et les départements ?

T.N : Parce que, schématiquement, la réglementation française fait porter la charge du financement des places sur deux financeurs différents : l’Assurance maladie lorsque l’établissement dispense des soins (les instituts médico-éducatifs, les maisons d’accueil spécialisées, etc.) ; les conseils départementaux dans les autres cas, comme les foyers de vie. La moitié des Français accueillis aujourd’hui en Belgique relèvent de l’Assurance maladie ; l’autre moitié, des départements. L’engagement de Ségolène Neuville d’arrêter les départs en Belgique ne concerne que les places sur lesquelles elle dispose d’un pouvoir de décision, celles financées par l’Assurance maladie. Dans son intervention, elle a d’ailleurs appelé les départements à « suivre cet exemple ».

FF : Ségolène Neuville a rappelé qu’elle avait « mis en place un fonds d’amorçage de 15 millions d’euros en vue de créer des places sur mesure à proximité », en plus des crédits déjà budgétés pour financer 3 500 nouvelles places par an.

T.N : Cet argent n’est pas réservé aux personnes “condamnées” à partir en Belgique mais concerne potentiellement tous ceux se retrouvant sans solution. Et ils sont nombreux : 47 000 selon notre recensement. Quand bien même ces 15 M€ leur étaient dédiés, ils permettraient tout juste de créer 375 places en établissement, à raison de 40 000 € par place en moyenne. Il faut vraiment que les pouvoirs publics prennent en considération les drames humains qu’entraîne le manque de places et débloquent des budgets conséquents au plus vite. Nous proposons d’instaurer une taxe sur les dispositifs électroniques de vapotage. Ces 90 M€ par an seraient répartis entre l’Assurance maladie et les conseils départementaux pour financer un plan de création de places. Propos recueillis par Franck Seuret

* Mise à jour à 18h30, le 23 octobre, suite à l’intervention de Marisol Touraine, la ministre des affaires sociales, à l’Assemblée nationale, ce jour même : « Les personnes qui occupent actuellement des places en Belgique continueront d’être prises en charge par la France. Les personnes exprimant explicitement le souhait d’être accueillies dans des structures belges pourront continuer de bénéficier de financements. En revanche, pour les personnes orientées vers la Belgique alors qu’elles ont explicitement exprimé le souhait de ne pas partir – c’est ce que nous appelons les départs contraints – il n’y aura plus de financements afin que leur volonté soit respectée. »

* Mise à jour à 13h30, le 13 novembre, suite au discours de Ségolène Neuville, le 10 novembre lors de la journée de lancement d’Une réponse accompagnée pour tous  :  « Il y a eu beaucoup d’interrogations sur ces 15 millions d’euros. C’est un fond d’amorçage disponible dès 2016, je vous le confirme. S’il faut plus en cours d’année, il y aura plus ! »

Comment 2 commentaires

Bonsoir,
Le traitement réservé aux handicapés, en France, est parfaitement scandaleux !! relégué aux fin-fonds des tiroirs, bafoué, ignoré, consciencieusement mais sciemment oublié car dérangeant, absence de projets. Certes, de belles paroles, des promesses dans l’espoir de rameuter des votes, puis on passe à la trappe, aux oubliettes, c’est le déni pur et simple !! le handicapé, pour peu qu’il n’ait plus de famille ou que celle-ci se comporte comme le gouvernement, le handicapé devient un être quasiment inexistant. Comme toujours en France, on nous fait croire que l’on nous considère…erreur !! Les pays nordiques intègrent depuis longtemps le handicap dans la vie quotidienne comme un état banal pour lequel tout est prévu : l’habitat, son accessibilité, toutes les facilités pour que le malheureux handicapé ( déjà attristé par sa vie bouleversée ) ait la vie de tout le monde et ne se sente pas un être à part, en retrait de la société, un banni duquel les regards du ministre de la Santé ou ceux des députés se détournent ( cf. les déclarations honteuses de Monsieur Benoît Apparu, UMP, en 2014, ou les idées ” fumeuses ” d’une secrétaire d’état aux handicapés, P.S., à la veille des municipales de 2014, nous laissant espérer une proposition de loi permettant la mise en place d’un système de micro-crédit…car nous ne demandons pas l’aumône mais simplement un gros coup de pouce pour ne pas recourir à la demande d’un crédit à la consommation au taux excessif compte tenu du coût élevé des aménagements dans une habitation où l’on n’est que locataire quand on ne trouve rien, car aucune habitation accessible n’est prévue dès que l’on est dépendant de tout et de tout le monde ( malgré notre volonté de s’en sortir ) pour qui a travaillé 42 ans , n’est plus propriétaire – ruiné par 2 escrocs – qui a encore la ” chance ” d’avoir sa retraite pour vivre correctement sans pour autant partir en vacances depuis 12 ans ni avoir un petit véhicule ( tout trop cher) mais à qui l’on dit ” Ah !! non, vous êtes au-dessus du plafond…( lesquels ont été abaissés dans toutes les retraites, privées comprises !!! donc même à 2000 euros près, pas volés…issus de votre travail et de vos cotisations = AUCUNE AIDE ). QU’EST-CE QUE LE GOUVERNEMENT, NOS DÉPUTÉS, NOS SÉNATEURS, ONT À DIRE POUR LEUR DÉFENSE ???????…LEUR SILENCE EST ASSOURDISSANT !!!!!!

Il est inadmissible de voir un Etat de droit organise systématiquement l’éjection et l’exclusion de ses vulnérables surtout des personnes en situation de handicap hors de ses frontières pour s’en débarrasser. Pourquoi sont-elles maltraitées et exclues par les institutions et les acteurs concernés ? Il est évident de reconnaître qu’il y a un fiasco dans les politiques de prise en charge de ces personnes. Le chemin est court de la maltraitance dans toutes ses formes à leur destruction totale. Le cas de Nathalie, morte dans des conditions atroces le 31 janvier 2014 à Aix-en-Provence est un exemple de ce fiasco. Et pourtant, tous les acteurs institutionnels concernés ont été bien informés et avertis sur son état de santé. Ils n’avaient rien fait. Pire. Ils l’ont poussé à la mort au nom des “soins” et de “la protection judiciaire des majeurs”. Un crime impardonnable.

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