Au foyer, résidents handicapés et salariés s’adaptent à l’isolement pour échapper au coronavirus

Publié le 27 mars 2020 par Franck Seuret
Cécile Graouer, qui vit au foyer d'accueil médicalisé Monséjour, à Bordeaux, occupe ses journées de confinement entre jeux, lectures, télé et ateliers. ©Franck Seuret

Les 53 résidents de ce foyer d’accueil médicalisé à Bordeaux n’ont plus le droit de sortir, ni de recevoir de visite depuis une semaine. La vie de cette collectivité se réorganise pour tenir le siège pendant plusieurs semaines. (Les photos qui illustrent ce reportage téléphonique confinement de la structure oblige, sont issues de vidéos réalisées en septembre 2019).

Episode 1, mercredi 25 mars

Ce matin, Cécile Graouer est passée déposer du gel douche au secrétariat. En contrepartie, elle espère récupérer bientôt des cotons de démaquillage. « La direction de l’établissement a mis en place cette bourse d’échanges entre résidents, explique cette quasi-quadragénaire, qui vit au foyer d’accueil médicalisé (Fam) Monséjour APF France handicap, à Bordeaux. Pour limiter les risques de contamination, plus aucun d’entre nous n’a le droit d’aller faire des courses. Pour l’alimentation, cela ne pose aucun problème puisque nous mangeons au réfectoire. Mais pour les produits de la vie courante, le troc peut dépanner.»

Sas d’accès unique, nettoyage accentué

Plus aucune visite n’est autorisée au foyer. ©Franck Seuret

Depuis le 14 mars, les 53 résidents du Fam – aucun n’est retourné dans sa famille – sont à l’isolement. Par mesure de sécurité, ils n’ont plus le droit de sortir. Ni de recevoir de visites.

Les salariés doivent passer par un unique sas d’accès, avec gestes barrières obligatoires, les autres entrées étant fermées. Le personnel administratif travaille depuis son domicile. Et le nettoyage des locaux et des chambres a été renforcé. Avec un soin particulier apporté aux portes et aux poignées.

Plus de kiné sauf pour les soins essentiels

« Heureusement, qu’il y a un grand terrain autour du foyer. Cela nous permet de prendre l’air », raconte Cécile Graouer. Mais ce qui lui manque le plus, ce sont les séances de kiné. « J’ai peur de perdre de l’autonomie. »

Au sein du foyer, seuls les soins essentiels ont été maintenus. La kiné respiratoire notamment. « Nous avons également décidé de recommencer les soins de kiné pour les personnes atteints de trouble intestinal, précise André Léger, son directeur. On s’adapte au cas par cas. »

Repas en commun au réfectoire

Le réfectoire accueille tous les résidents, à l’heure des repas. ©Franck Seuret

La vie collective reste la norme. « On ne mettra en place des consignes de confinement plus drastiques que si l’un des résidents est atteint par le virus, conformément aux recommandations sanitaires », explique-t-il.

Pour l’heure, les résidents continuent à déjeuner au réfectoire. Et les ateliers rythment la journée. Mais la capacité d’accueil de chacun d’entre eux se limite maintenant à dix. Et les animateurs ont adapté le programme habituel à la nouvelle donne.

Méditation, groupe de parole et appels en visio

L’un des ateliers est consacré au coloriage d’un mandala.©Franck Seuret

La matinée et les après-midis démarrent donc désormais par une séance de méditation, de relaxation et d’initiation à la sophrologie. Deux fois par semaine, une réunion d’information est consacrée au coronavirus. L’occasion de rappeler les gestes barrières, de ré-expliquer la nécessité du confinement, etc.

La psychologue anime un groupe d’expression libre les lundi et jeudi. Pour maintenir le lien avec les familles, les animateurs aident certains résidents à communiquer avec leurs proches. Avec des applications vidéos, s’ils le souhaitent.

Le masque fait débat

Et les masques ? Le foyer disposait de modèles chirurgicaux dans ses réserves. De plus, il devrait en récupérer cette semaine, sur les stocks nationaux. « Ici, notre doctrine d’utilisation, conforme aux recommandations sanitaires, est claire, assure André Léger. Les professionnels n’en portent que s’ils toussent ou pratiquent des soins rapprochés, la kiné respiratoire en l’occurrence. »

« Mais c’est vrai que la question fait débat, en interne, poursuit-il. Certains salariés et résidents aimeraient que le port du masque soit généralisé. Ce qui est impossible, à l’heure actuelle, vue nos dotations. Au-delà des mesures techniques, indispensables, il faut prendre en compte les facteurs psychologiques. Mon rôle, c’est aussi de rassurer les résidents et les professionnels, que cette crise inquiète. » 

Compenser l’absence de 14 salariés

14 salariés sont en arrêt de travail. ©Franck Seuret

L’établissement doit également compenser les absences de salariés. Sur les 69 opérationnels avant l’entrée en vigueur du confinement, 14 sont en arrêt de travail. Parce qu’ils doivent garder leurs enfants ou que leur état de santé est considéré comme à risque.

« Nous avons pris des remplaçants. Et nous réduisons le temps passé auprès de chaque résident, tout en assurant l’essentiel, explique André Léger. Nous n’avons pas encore eu recours aux heures supplémentaires. Je ne veux pas épuiser le personnel dès le début de la crise. Les équipes se mobilisent pour garantir la continuité des soins et la sécurité de tous. Il faut tenir sur la durée. »

Épisode 2 , mercredi 1er avril

Depuis ce mercredi 1er avril, les résidents restent dans leur chambre, jour et nuit. Ils y prennent même leur repas. Finies, les activités collectives. Pour l’atelier méditation, l’animateur se positionne dans le couloir, les pensionnaires suivant les instructions depuis leur chambre, porte ouverte. 

« Nous avons pris cette décision difficile après avoir reçu une note du ministère de la santé, le 28 mars, invitant les établissements médico-sociaux  à “renforcer les mesures de protection. Même en l’absence de cas suspect ou confirmé au sein de l’établissement”,  ce qui est notre cas, explique André Léger. Quand nous l’avons dit aux résidents, le 31 mars, il y a eu quelques pleurs. Mais la plupart se sont sentis rassurés. »

Nouvelle organisation du travail

Le confinement individuel implique une nouvelle organisation du travail. Cadres et professionnels para-médicaux, ainsi qu’une salariée venue d’une autre structure d’APF France handicap, sont mis à contribution pour la distribution des repas.

Des recrutements ont permis de renforcer l’équipe d’animation. Trois animateurs se relaient chaque jour, week-end compris, pour passer de chambre en chambre. Ils aident à la prise des repas, en complément du personnel soignant habituel ; assurent le lien avec les familles ; proposent des activités…

Un masque en permanence

Par ailleurs, la direction a appelé une société de nettoyage en renfort pour la désinfection des locaux. Dès réception, les fournitures livrées sont sorties de leurs cartons et désinfectées. Et à leur arrivée, les salariés doivent quitter leurs vêtements de ville.

De plus, leurs horaires ont été réaménagés. Ils assurent un service quotidien plus long afin de limiter le nombre d’entrées dans l’établissement chaque jour. Et tout le personnel porte systématiquement un masque chirurgical, changé tous les quatre heures. « Mais j’espère que l’Agence régionale de santé va nous approvisionner car nous n’avons de quoi tenir que quatre jours », insiste André Léger.

Comment 6 commentaires

Bonjour pourquoi ne parle t on pas aux journaux télévisés de nos enfants handicapés qui sont internes et de leur confinement et de notre angoisse
On ne parle que des epadh?
Pourrais je récupérer ma fille pour le garder avec nous à la maison
Comment seront comptabilisés ses jours de sortie jusqu’à la fin du confinement.
Merci

Bonjour
Pouvez vous me renseigner, étant dé-confiné peux t on avoir la possibilité de récupérer mon fils handicapé en MAS.
Confiné depuis le 11 mars et avoir pu le voir une demi heure 1 fois depuis visite autorisée par le gouvernement. y aura t il possibilité de le sortir , y aura t il un impact pour sa place dans l établissement.

Bonjour, la note du ministère des solidarités organisant, entre autres, le déconfinement dans les établissements médico-sociaux est sortie dimanche. En résumé, voilà les recommandations pour les internats :
1- les sorties devraient être de nouveau autorisées ;
2 – les retours en famille le week-end devraient être autorisés ;
3 – la circulaire ne parle pas de quatorzaine obligatoire au retour, dans l’étbt, mais rien ne dit que cela ne sera pas exigé ;
Les étbts ont toutefois le droit de déroger à ces deux règles si elles accueillent des personnes particulièrement vulnérables à des formes graves du COVID 19, du fait de leurs co-morbidités, ou dans les territoires marqués par une circulation particulièrement active de l’épidémie.
Faire-face.fr y consacrera un article très prochainement, jeudi vraisemblablement.
https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/deconfinement-consignes-essms-covid-19.pdf?fbclid=IwAR1MkHU9O-HBZtgiTge9EEfoFo-QpSqorcTX9Vh4FemMRoVwqGUeszAqgUs

Bonjour,
L’établissement a-t-il le droit d’imposer à leur retour au foyer d’accueil médicalisé un isolement en chambre de 14 jours aux résidents internes s’ils sortent pour le week-end dans leur famille ?
Merci de votre réponse

Bonjour le foyer de vie de ma fille demande aux résidents de sortir seulement accompagner d employes. Ma fille autiste a besoin de sortir toute seule. Elle est autonome et sait mettre un masque tout en respectant les distances de sécurité. Que peut on faire pour qu elle puisse récupérer une certaine liberté.

Cordialement

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