Handicap et coronavirus : quand la vie à domicile tourne à la galère

Publié le 1 avril 2020 par Franck Seuret
Sans auxiliaire de vie, Nadine Hoenen et Claire Aubert se débrouillent tant bien que mal pour s'approvisionner, se laver, s'habiller...

La crise du coronavirus a privé l’Alsacienne Nadine Hoenen et la Normande Claire Aubert de l’aide de leur auxiliaire de vie. Comme de nombreuses autres personnes handicapées, dont la vie à domicile est devenue beaucoup plus compliquée avec le confinement.

Des chips et rien d’autre. Lundi dernier, le 23 mars, Nadine Hoenen a mangé ce qui restait dans ses placards. Cette Alsacienne, atteinte de sclérose en plaques, a l’habitude se se faire livrer les courses. Mais l’épidémie a amené son enseigne habituelle à suspendre ce service.

Et impossible de demander à son auxiliaire de vie de prendre le relais. Celle-ci ne vient plus assurer ses cinq heures de présence hebdomadaire depuis le début du confinement. Le service prestataire, une petite association, n’a pas été en mesure de la remplacer.

Ses voisins lui ont vendu deux paquets de pâtes

« Je ne veux pas prendre le risque d’aller au supermarché avec mon fauteuil manuel, raconte Nadine Hoenen. Cela ne serait pas raisonnable vu ma santé fragile. » Alors, cette femme discrète a vaincu sa réserve habituelle pour solliciter ses voisins. Les premiers ont juste consenti à lui vendre deux paquets de pâtes. Un autre a accepté de lui ramener des provisions en allant faire ses propres courses.

Un transfert risqué du fauteuil au siège de douche

Pour l’aide humaine, Nadine Hoenen s’est résignée à faire sans jusqu’à la fin du confinement. « Heureusement que je suis autonome pour m’habiller. Pour le ménage, ça attendra. Par contre, là où je me fais peur, c’est quand je me transfère seule de mon fauteuil au siège de douche. D’habitude, mon auxiliaire de vie est là pour m’aider. »

« Je ne me vois pas mettre une annonce sur Le bon coin. »

Pour Claire Aubert, la douche n’est plus qu’un souvenir datant d’avant le confinement. « Mon assistante de vie, qui venait tous les matins pour m’aider à me laver et m’habiller, a dû aller s’occuper de ses parents. Je l’emploie en direct depuis une vingtaine d’années. Je ne me vois pas mettre une annonce sur Le bon coin pour la remplacer au pied levé », raconte cette Caennaise, privée de l’usage d’un bras et qui a du mal à marcher.

La quinquagénaire se débrouille donc comme elle peut. Pour la toilette, retour à l’ancien temps. Au gant de toilette, près du lavabo. Et ne s’habille plus que lorsqu’elle sort. Rarement.

Des repas régime et des coupe-faim

Car, pour les courses, elle a choisi le service minimum. « Comme je ne peux pas cuisiner, j’ai acheté des produits de régime à la pharmacie. Et quand je me sens suffisamment en forme, je vais chercher des pizzas à la boulangerie à côté de chez moi. Ils me la coupent car je n’y arrive pas toute seule. J’ai aussi acheté des coupe-faim au cas où. »

Un système fragile mis à mal par la crise

Claire Aubert et Nadine Hoenen ont pour point commun de vivre seules chez elles. Et pour les quelques heures d’aide humaine dont elles avaient besoin chaque jour, elles avaient mis en place une solution satisfaisante – le gré à gré pour l’une, une petite structure pour l’autre – mais fragile. La crise épidémique les a laissé démunies. Comme de nombreux autres personnes.

« Que va-t-il se passer si l’aidant familial s’épuise ? »

« La situation des personnes qui ne sont pas déjà connues par les réseaux associatifs ou handicap nous préoccupe, car elles sont hors des radars », souligne Emmanuel Loustalot, responsable national de la mission mandataire à APF France handicap.

Il s’inquiète aussi pour celles qui s’appuient uniquement, ou essentiellement, sur un aidant familial. « Que va-t-il se passer si cet aidant s’épuise ou tombe malade ? »

Les conseils départementaux à la rescousse ? 

Emmanuel Loustalot exhorte les conseils départementaux à les contacter. « Parce qu’ils leur versent la prestation de compensation du handicap ou l’allocation compensatrice tierce personne, ce sont les seuls à pouvoir les identifier toutes pour leur faire parvenir les informations fiables sur le bon usage des masques, la détection précoce des symptômes… Peut-être pourraient-ils également, en lien avec l’agence régionale de santé, identifier des places disponibles dans les établissements ? Certains familles ayant récupéré leurs proches, des lits se sont libérés. »

Des lits qui pourraient accueillir en urgence les personnes dans l’incapacité de rester à domicile car se retrouvant totalement privées d’aide humaine. Anticiper pour être prêt.

Des pistes pour trouver de l’aide

– Appelez les permanences d’associations de personnes handicapées : les délégations départementales d’APF France handicap, les associations de l’Unapei… Leurs bénévoles peuvent faire face aux besoins élémentaires (courses alimentaires, pharmacie…). Et ces associations sont à même de relayer les situations d’urgence dans leur réseau de services et d’établissements. 

– Appelez la conciergerie solidaire de la Croix Rouge au 09 70 28 30 00. Des volontaires assurent des livraisons de produits de première nécessité.

– Contactez votre centre communal d’action sociale. Il continue à fonctionner dans de nombreuses communes. Certains appellent même régulièrement les personnes figurant sur leur registre des personnes vulnérables.

– Connectez-vous à la plateforme en ligne officielle solidaires-handicaps.fr, lancée lundi 30 mars. Son rôle  : faciliter la mise en relation entre les personnes handicapées, leurs aidants, les professionnels et les dispositifs d’accompagnement et d’appui qui leur sont destinés. La plateforme recense les initiatives existantes. Des bénévoles peuvent également proposer leurs services.

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