« Je me suis mise en mode commando », Justine, aidante de son frère atteint de troubles psychiques

Publié le 4 octobre 2022 par Claudine Colozzi
Quand il a fallu aider son frère Antoine, fragile psychiquement et en mauvaise posture, Justine ne s'est pas posé de questions. Pour elle, c'était une évidence, il lui fallait agir et le soutenir.

À l’occasion de la journée nationale des aidants, le 6 octobre, Faire-face.fr leur donne la parole. Justine*, 48 ans, s’occupe depuis quatre ans de son frère Antoine, 46 ans, atteint de troubles psychiques. Pour pallier le manque d’accompagnement, elle a mis sa vie professionnelle et sociale entre parenthèses. Elle a trouvé du soutien dans des groupes de paroles réunissant des proches de malades.

Faire-face.fr : Quand vous êtes-vous rendu compte que votre frère souffrait de troubles psychiques ?

Justine : Il y a quatre ans encore, nous entretenions une relation distante. C’était un enfant plutôt calme, effacé et ayant peu d’amis. Je repense à deux alertes. Il y a une quinzaine d’années, il s’est présenté de lui-même aux urgences psychiatriques en raison d’idées noires. Et plus récemment, à l’occasion d’une dispute sur un sujet en apparence anodin. Il s’est mis à casser des assiettes et à s’emporter violemment contre moi. Mais je ne me doutais pas de l’ampleur de ses troubles.  Il me semble que ma mère était dans le déni. Et moi, j’étais prise par ma vie.

F-f.fr : À partir de quel moment, êtes-vous devenue l’aidante de votre frère ?

J. : Un jour, il m’a envoyé un SMS pour me dire qu’il avait une copine, qu’ils avaient emménagé ensemble. Et là, la descente aux enfers a commencé. Elle souffrait également de troubles psychiques. Elle était très manipulatrice et extrêmement violente. Il a fallu le sortir de cet engrenage, organiser son déménagement. J’ai pris une semaine de vacances au débotté. Je me suis mise en mode commando. Il est retourné vivre chez ma mère et a été suivi par un psychiatre. Au fur et à mesure, j’ai découvert dans quelle situation il était.

En effet, ses troubles psychiques l’avaient conduit à souscrire des abonnements coûteux, à faire des projets dispendieux qui le mettaient en danger financièrement. Il fallait prendre les choses en main. Pendant six mois, j’ai passé beaucoup de temps avec lui pour effectuer toutes les démarches auprès de la police, des banques, des psys, des impôts,  de la juridiction des tutelles,  de la MDPH…

C’était une évidence de l’aider. Il me fallait agir. Mon frère était en danger. »

F-f.fr : Comment vivez-vous ce rôle d’aidante ?

J. : Cette décision s’est imposée à moi par un enchaînement de circonstances. Je n’ai pas eu le temps de réfléchir ! Je ne me suis pas vraiment posé la question. C’était une évidence de l’aider. Il me fallait agir. Mon frère était en danger. Comme il a très peu d’estime de lui-même, il manque de discernement. Il dit oui à tout le monde. Et si vous saviez tous les escrocs qui rodent autour des gens fragiles !

Aujourd’hui, il va mieux. Les choses se sont stabilisées. Mais le manque d’accompagnement et de suivi est patent. C’est pourquoi, je garde un œil sur lui car il reste fragile. Il aimerait faire une formation pour changer de travail, mais les perspectives ne sont pas très favorables.

De mon côté, pendant près d’un an, j’ai vécu comme un zombie. C’est épuisant de tout décider à la place de quelqu’un d’autre, même quand on essaie de l’associer. On ne se sent pas toujours légitime. Ma vie sociale en a aussi pris un coup. Mes amis en avaient marre que je ne leur parle que de mes soucis. Je me suis isolée. J’ai mis ma vie professionnelle en stand-by. Enfin, ma santé a pris cher. On m’a diagnostiqué un cancer du sein qui heureusement a été pris en charge à temps. Si le lien est difficile à établir, tout ce stress y est sans doute pour quelque chose.

J’ai participé à des groupes de parole pour mettre à distance tout ce que je vivais. »

F-f.fr : Où avez-vous trouvé de l’aide ?

J. : J’avais davantage besoin de soutien moral et psychologique que d’aide pour les démarches. Quand on cherche, on trouve même si cela prend un temps fou. Car je suis plutôt débrouillarde. Le seul problème est le délai de réponse des structures administratives et de trouver le bon interlocuteur. Très vite, je me suis tournée vers l’Unafam. J’ai participé à des groupes de parole pour mettre à distance tout ce que je vivais. Ils m’ont soutenue lorsque j’étais envahie par le découragement.

F-f.fr : Que conseilleriez-vous à une personne qui se retrouve à devoir s’occuper d’un proche souffrant de troubles psychiques ?

J. : D’abord, ne pas oublier de s’occuper de soi, de préserver des temps pour se faire plaisir (sport, culture, balades…) et pour décompresser… Si on est épuisé, on ne peut plus aider. Et, ne jamais hésiter à demander de l’aide, à mobiliser son réseau. J’avais la chance d’avoir quelques membres de ma famille qui m’ont épaulée. Il ne faut pas rester seul. Les conséquences sur la vie sociale et professionnelle peuvent être très lourdes. Les associations sont là pour permettre de prendre un peu de recul.

À la demande de la personne interviewée, les prénoms ont été modifiés.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site est protégé par reCAPTCHA et la Politique de Confidentialité de Google et l'application des Conditions d'Utilisation.

Sujets :
Autonomie