« Être handicapé, c’est une construction sociale »

Publié le 7 mars 2023 par Franck Seuret
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Pour Charlotte Puiseux, c’est à cause de choix socio-politiques que les personnes handicapées sont condamnées à la stigmatisation et à la marginalisation – constituant par là même une des populations les plus vulnérables de la société. © Charlotte Krebs
Dans De chair et de fer*, Charlotte Puiseux, psychologue et docteure en philosophie, raconte son parcours de femme handicapée marqué par les discriminations. Elle décrypte le système idéologique qui soutient ces violences, le validisme, et invite à penser le handicap comme une force de proposition d’un autre rapport au monde et aux autres. Faire-face.fr : Qu’est-ce que le validisme ? Charlotte Puiseux : Cette idéologie repose sur le fait que les corps désignés valides sont considérés comme ayant plus de valeur que les corps désignés handicapés. Cela entraîne des discriminations à l’encontre des personnes handicapées. C’est particulièrement visible dans l’espace public avec tous ces lieux qui ne sont pas accessibles et dont elles sont, de fait, exclues. C’est évident aussi dans le monde médical, marqué par le désir de redressement des corps handicapés, soignés dans l’objectif de les rapprocher de la validité. S’il est indispensable de pouvoir respirer pour vivre, est-il nécessaire d’avoir les pieds droits et les jambes aussi souples qu’une danseuse ? La culture est également imprégnée de validisme, car pétrie de clichés sur les personnes handicapées, superhéros et héroïnes à admirer ou victimes à plaindre. Et puis de nombreuses dispositions légales entérinent cette mise à l’écart. On l’a vu avec la loi Élan, par exemple : en abaissant de 100 % à 20 % la part de logements accessibles dans les immeubles neufs, elle prive les personnes handicapées de la liberté de choisir leur lieu de vie.
Le capitalisme exclut d'emblée les corps handicapés de ce qui est valorisé et valorisable. Le handicap devient donc synonyme d’inaptitude au travail, puis de charge sociale et de fardeau collectif. »
F-f.fr : Quels sont les fondements de cette idéologie ? C.P : Un individu est désigné handicapé parce qu’il ne rentre pas dans les critères de la validité. Mais ces critères sont définis par une société donnée, dans un moment historique donné. Ils varient donc dans l’espace et dans le temps. Certaines catégories de personnes ont été tantôt incluses tantôt exclues du champ du handicap. La cécité, par exemple, était considérée comme une marque de grandeur dans la Grèce antique....
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