Autodétermination : choisir et dire pour son corps et sa vie

Publié le 20 juillet 2023 par Thomas Sévignon
Utilisation non dénigrante, dans le contexte de la légende.
« L’autodétermination, c’est l’ensemble des habiletés et attitudes requises chez une personne pour qu’elle puisse faire des choix libres concernant sa vie, en dehors des influences extérieures », explique Julia Boivin. © Tim Douet

Consultante et formatrice, Julia Boivin, trentenaire lyonnaise atteinte de paralysie cérébrale, s’engage au quotidien pour diffuser le concept d’autodétermination dans le champ du handicap. 

© Tim Douet

« J’entends souvent “tel soin nous fait mal, mais c’est pour notre bien”. Qui décide de ça ? Qui décide ce qui est bon pour nous ? » On dit de la colère qu’elle est mauvaise conseillère. Pour Julia Boivin, trentenaire atteinte de paralysie cérébrale, c’est surtout une force. En effet, c’est dans de tels questionnements, qui font écho à son parcours, qu’elle a trouvé l’envie de s’engager en faveur de l’autodétermination des personnes en situation de handicap. Notamment sur le sujet de l’accompagnement médico-social dont elles bénéficient.

« À quatorze ans, j’ai passé six mois en centre de rééducation. J’ai accepté là-bas des choses que je n’aurais pas du tout accepté ailleurs. Il y avait un rapport très mécanique au corps, comme un truc à réparer. J’aurais aimé qu’on me propose autre chose », se souvient avec crispation celle qui a grandi en Isère mais vit désormais de manière autonome à Lyon.

Un sujet mal connu et mal compris

Aujourd’hui conférencière, consultante et formatrice sur les sujets d’inclusion, intervenant aussi bien en entreprise qu’auprès de centres de formation ou d’associations du secteur du handicap, Julia Boivin s’applique à diffuser ce concept « d’autodé », comme elle dit.  Mais elle le constate : le sujet ne parle pas encore à tout le monde.

« On se dit que c’est juste le fait de pouvoir faire des choix sur l’accompagnement. Mais cela va bien au-delà. Comment choisir quand on ne se connaît pas ? Quand on ne connaît pas son environnement ? Quand on ne se sent pas légitime ? »

Pouvoir faire des choix sans influence extérieure

© Tim Douet

Aller vers l’autodétermination nécessite d’agir sur quatre dimensions de l’accompagnement : l’autonomie (capacité à faire des choix et agir en conséquence), l’empowerment (se sentir légitime d’exercer un contrôle sur sa vie), l’autorégulation (capacité à analyser son environnement et ses possibilités personnelles) et l’autoévaluation (capacité à connaître ses forces).

« L’autodétermination, c’est l’ensemble des habiletés et attitudes requises chez une personne pour qu’elle puisse faire des choix libres concernant sa vie, en dehors des influences extérieures », résume-t-elle.

Expérimenter et faire confiance

Cette dynamique demande de prendre des risques, d’expérimenter, pour aider les personnes accompagnées à connaître et exprimer ce qu’elles souhaitent vraiment. De quoi chambouler les habitudes et manières de faire. « Les professionnels n’ont pas toujours été formés pour ça, mais l’autodétermination c’est faire confiance aux gens, c’est leur demander comment ils veulent être accompagnés. » Elle précise cependant : « Cela ne veut pas dire que tout est permis. Cela se fait toujours à l’intérieur d’un cadre. »

En tant que formatrice, Julia Boivin participe depuis deux ans à un programme de formation d’intervenants experts d’usage, conçu notamment avec Paralysie Cérébrale France. Objectif ? Faire monter en compétence des personnes vivant en foyer d’accueil médicalisé (Fam) ou en maison d’accueil spécialisée (Mas), afin de leur permettre d’être actrices de leur accompagnement et de participer à la formation des futurs professionnels du soin et du médico-social.

Ne pas faire de l’autodétermination une nouvelle injonction

« Je leur demande souvent de raconter des anecdotes tirées de leur vécu. J’adore voir lorsqu’une histoire individuelle parle au collectif. On s’aperçoit qu’il y a des situations communes, et qu’il est donc légitime de nous écouter ».

Mais elle qui se méfie des normes imposées tient aussi à ce que l’autodétermination ne se transforme pas en nouvelle injonction. « Il ne faut pas que cela devienne un modèle de ce que devrait être obligatoirement une bonne personne en situation de handicap, à savoir autodéterminée et pair-aidante. Chacun à ses limites. »

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Pour les sources utilisées, notamment sur la conceptualisation de l’autodétermination par Wehmeyer, voir ci dessous :
Wehmeyer, M.L. et Lachapelle Y. (2006), Autodétermination, proposition d’un modèle conceptuel fonctionnel. Déficience intellectuelle, savoirs et perspectives d’action, vol 1. Presse interuniversitaires, Québec.
Wehmeyer; M.L. (1996). Self-detemination as un educational outcome: Why is it important to children, youth and aduls with disabilities?. D.J. Sands et Wehmeyer M.L. (dir), Self determination across life span: independence and choice for people with disabilities. (p. 15-34), Baltimore, Mar. Paul H. Books.
Wehmeyer, M.L. et Bolding N. (1999) Self-Determination-Across Living and Working Environments: A Matched Samples Study of Adults With Mental Retardation. Mental Retardation Oct. 1999. Vol 37, pp 353-363.

https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2022-09/02_tdi_rbpp_autodetermination.pdf

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