PCH et AEEH : les sénateurs veulent faire attendre les étrangers handicapés

Publié le 10 novembre 2023 par Franck Seuret
Gérald Darmanin, le ministre de l'Intérieur ne s’est pas opposé à l'amendement des Républicains. Tout juste a-t-il précisé que « la question est de savoir si, entre six mois et cinq ans, il y a un juste milieu à trouver ».

Les sénateurs ont adopté un amendement au projet de loi immigration visant à faire passer de trois mois à cinq années la durée de résidence en France exigée des étrangers en situation régulière avant qu’ils puissent bénéficier de la PCH. Ce même délai s’appliquerait aussi à l’AEEH.

Restreindre l’accès aux droits pour les étrangers. Même s’ils sont en situation régulière. Et même s’ils sont en situation de handicap. Depuis le début de l’examen, en première lecture, du projet de loi immigration, lundi 6 novembre, les sénateurs n’ont eu de cesse de durcir le projet de loi présenté par le Gouvernement. 

Ils ont ainsi limité les possibilités de régularisation des sans-papiers – « au cas par cas » et « à titre exceptionnel » – dans les métiers en tension. Ils ont remplacé l’aide médicale d’État (AME), qui leur est destinée, par une aide médicale d’urgence. Cette dernière réduit drastiquement le panier de soins remboursés. Mais ils ont également allongé à cinq années la durée de résidence nécessaire pour bénéficier de certaines prestations sociales. 

Toutes les prestations familiales concernées

L’amendement des Républicains, adopté par le Sénat, mardi 7 novembre, couvre toutes les prestations familiales. C’est-à-dire les allocations familiales, l’aide personnalisée au logement,  l’allocation journalière de présence parentale.… et l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH). Mais il vise aussi explicitement l’allocation personnalisée pour l’autonomie (Apa) et la prestation de compensation du handicap (PCH).

5 ans avant de pouvoir bénéficier d’aide humaine ?

Aujourd’hui, un étranger résidant en France qui souhaite toucher cette PCH ne doit pas seulement avoir un titre de séjour en cours de validité. Il faut aussi qu’il y vive depuis au moins trois mois. Cette condition n’est toutefois pas exigée s’il est étudiant ou en formation professionnelle. 

Si le texte était définitivement adopté en l’état, un étranger handicapé devrait donc attendre cinq années avant de pouvoir bénéficier d’aide humaine pour les gestes de la vie quotidienne ou d’une aide financière pour adapter son logement à ses capacités. 

Restreindre l’accès à l’AEEH mais pas à l’AAH

Pour l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH), la réglementation ne fixait jusqu’alors aucune durée de résidence. Mais étant donné les conditions nécessaires – avoir un taux d’incapacité d’au moins 50 % – et les délais de traitement des MDPH, il va de soi que les familles demeurent déjà depuis quelques mois sur le territoire français avant d’en bénéficier.

Étrangement, les sénateurs n’ont pas inclus l’allocation adulte handicapé (AAH) dans leur amendement. Elle concerne pourtant beaucoup plus de personnes (1,3 million d’allocataires) que la PCH (350 000) et l’AEEH (370 000). Une durée de résidence de trois mois est exigée ainsi qu’un titre de séjour.

Darmanin ouvre la porte à un traitement à part pour le handicap

Le Gouvernement ne s’est pas opposé à cet amendement. Tout juste le ministre de l’Intérieur a-t-il précisé que « la question est de savoir si, entre six mois et cinq ans, il y a un juste milieu à trouver ». Mais, pour lui, la prestation destinée aux personnes handicapées est « la plus contestable dans le décalage ».

Dans son allocution, Gérald Darmanin a malheureusement confondu AAH et PCH, parlant d’une prestation destinée à pallier l’incapacité à travailler. Or, l’amendement ne concerne pas l’AAH mais bien la PCH. Et cette dernière n’a pas la même vocation. Ce faisant, il a toutefois bien ouvert la porte à un traitement particulier des étrangers en situation de handicap. Pour eux, « nous aurons l’occasion de voir les effets de bord à l’Assemblée nationale », a-t-il ajouté.

Après son examen par le Sénat, le texte doit en effet passer devant les députés. Ces derniers débattront donc de l’allongement de la durée de résidence exigée… qui ne figurait pas dans le projet de loi initial. 

Une mesure condamnée par les associations

Le Collectif Handicaps s’est insurgé, sur X (anciennement Twitter), contre le vote de cet amendement : « Une mesure discriminatoire, honteuse et contre-productive. »

« Proposer cinq ans de résidence sur le territoire français pour avoir accès à la PCH, c’est vraiment méconnaître totalement les conditions d’éligibilité et les besoins couverts par cette prestation », a également réagi Malika Boubékeur, conseillère nationale compensation d’APF France handicap. La PCH concerne en effet « les personnes lourdement dépendantes et les besoins essentiels (se lever, se nourrir, faire sa toilette. C’est une mise en danger ! » Pascale Ribes, la présidente de l’association, a pour sa part souligner l’urgence de « retirer cet amendement scandaleux ».

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