Unijambiste, j’ai participé à la plus longue course de stand up paddle du monde

Publié le 23 septembre 2015 par Claudine Colozzi
Sur les 220 km de l'épreuve, Valérie Hirschfield a réussi à en parcourir 168 malgré des conditions météorologiques catastrophiques. © Association Valérie jusqu'au bout, plus que jamais debout

Amputée de la jambe gauche, Valérie Hirschfield est la première personne handicapée à avoir concouru à la SUP 11-City Tour, une course de stand up paddle de 220 km sur les canaux des Pays-Bas qui a eu lieu du 2 au 6 septembre 2015. Cette Varoise de 51 ans a découvert ce sport de glisse durant l’été 2013. Une révélation pour cette sportive accomplie qui l’a conduite à s’équiper d’une prothèse, elle qui ne jurait que par ses cannes depuis dix ans.

« La première fois que je suis montée sur une planche de stand up paddle, je ne peux pas dire que ça a été le coup de foudre. Je ne pouvais pas aller où je voulais, je tombais beaucoup. Difficile de garder l’équilibre sur une seule jambe tout en pagayant. Comme je suis une battante et que je n’aime pas que les choses me résistent, je me suis accrochée. Puis, l’idée d’une prothèse de genoux articulée reproduisant les mouvements naturels des tendons a fait son chemin. Une mini révolution pour moi qui me déplace avec des cannes depuis que j’ai été amputée. La première fois que je suis montée appareillée sur la planche, je n’en suis pas revenue ! Les sensations étaient si différentes : je contrôlais la situation et guidais la planche comme je le souhaitais !

L’idée d’une prothèse ne m’avait jamais traversé l’esprit depuis ma sortie de l’hôpital en 2005. J’ai été hospitalisée pendant un an. L’amputation m’a sauvée. Quand on m’a parlé de rééducation et de prothèse, j’étais trop occupée à retrouver mes trois enfants et à profiter de ma famille. J’ai dit “plus tard” et la vie a repris son cours sans que je trouve le temps de m’y intéresser. Je me suis habituée aux cannes.

Première personne handicapée en lice pour la SUP 11-City Tour

Avant mes soucis de santé, j’étais déjà très sportive : tennis, squash, natation… Très vite, je me suis remise au sport. Habitant dans le Var, j’ai eu envie de m’essayer à la planche à voile et c’est ainsi que je me suis initiée au paddle. Un soir, j’ai découvert l’existence de la SUP 11-City Tour sur Facebook. À partir de ce moment, je n’ai plus pensé qu’à y participer. J’ai envoyé un mail aux organisateurs en leur précisant que j’étais en situation de handicap.

La réponse a mis beaucoup de temps à arriver. Ils m’ont enfin répondu favorablement en précisant tout de même que j’étais la première personne handicapée à s’inscrire à ce Challenge international. Fallait-il prévoir des aménagements particuliers ? Ils étaient soucieux de m’accueillir dans les meilleures conditions. J’ai expliqué que j’étais une participante comme les autres !

Une campagne de financement participatif pour une prothèse à 10 500 euros

Le temps passant, j’ai commencé à être très excitée à l’idée de prendre part à cette course, la plus longue au monde ! 220 kilomètres pendant cinq jours sur les canaux des Pays-Bas. Sur le papier, cela m’est apparu réalisable. J’ai commencé à m’entraîner de manière plus soutenue. Tous les jours, sauf quand la météo était mauvaise, je sortais ma planche et je partais pagayer. Parallèlement, j’ai décidé de lancer une campagne de financement participatif pour m’aider à acquérir la prothèse coûtant 10 500 euros. J’ai créé mon association Valérie jusqu’au bout, plus que jamais debout. Mon entourage, mes amis, des habitants de La Seyne-sur-Mer, des commerçants, la presse locale m’ont soutenue. Au final, je n’ai pas récolté suffisamment d’argent pour l’acheter et c’est mon prothésiste qui me l’a prêtée pour la course.

© Association Valérie jusqu'au bout, plus que jamais debout
Pluie, grêle, orages violents ne sont pas venus à bout de la détermination de cette sportive émérite. © Association Valérie jusqu’au bout, plus que jamais debout

Une météo catastrophe

Pendant toute la période de préparation, je me suis sentie très calme, déterminée. Le stress a commencé en arrivant à Leeuwarden, la veille du grand départ. Peut-être avais-je raison de m’inquiéter car la course s’est révélée plus difficile que je ne l’avais imaginé. Les conditions météorologiques ont été catastrophiques. En sept ans, les organisateurs n’avaient jamais vu ça. Beaucoup de pluie, de la grêle, des orages et du vent très violent de face ou sur le côté. Les lacs que nous devions traverser étaient parfois déchainés, rien à voir avec les tranquilles canaux d’Amsterdam que j’avais fantasmés !

J’ai eu souvent très peur car tout le matériel est en carbone. Et si la foudre m’était tombée dessus… Le rythme était de huit heures de paddle par jour avec une pause pour déjeuner. Bien souvent, j’ai dû me mettre à genoux sur ma planche pour passer sous les ponts ou assise car garder mon équilibre avec ma prothèse se révélait très périlleux. Malgré une très bonne condition physique – dix ans de béquilles, ça muscle les bras ! – j’ai craqué au bout du quatrième jour, je n’ai pas pris le départ. Je me suis un peu requinquée et j’ai repris le cinquième jour. Bien sûr, je m’étais fixée l’objectif des 220 kilomètres. Même si je suis contente d’en avoir parcouru 168, j’aurais aimé remplir le contrat.

Pas de message à faire passer, seule une envie à partager

© Association Valérie jusqu'au bout, plus que jamais debout
Son objectif ? Repousser sans cesse ses limites. © Association Valérie jusqu’au bout, plus que jamais debout

En soignant mes ampoules aux mains et mes courbatures, je pense déjà à l’année prochaine. J’ai demandé un autre devis pour une prothèse et je compte bien tout entreprendre pour m’appareiller durablement. Je n’ai pas participé à cette course pour prouver quelque chose. Je n’ai pas de message à faire passer. Je fais tout ça pour me faire plaisir. Mais si cela peut donner envie à d’autres, ce sera une excellente chose.

Tout le monde, les valides comme les handicapés, peut repousser ses limites, c’est ce que je cherche à réaliser. Même si mon corps parfois me rappelle à l’ordre ! Il y a tant à entreprendre pour changer le regard sur le handicap. Imaginez que je rencontre encore des personnes trouvant choquant que je porte des shorts ! » Propos recueillis par Claudine Colozzi

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