« Forte implication des personnes handicapées dans le mouvement des Gilets jaunes. »

Publié le 10 mars 2020 par Franck Seuret
5 à 8 % des Gilets jaunes interrogés se sont déclarés en situation de handicap, d'invalidité ou de maladie longue durée. ©Thomas Bresson

Un collectif de chercheurs du CNRS et d’universités a étudié les Gilets jaunes. Ils se sont notamment appuyés sur un questionnaire administré à plus de 1 500 personnes ayant participé à ce mouvement social qui a secoué la France fin 2018 et début 2019. Magali Della Sudda est chargée de recherche au CNRS, à Sciences Po Bordeaux, et coordinatrice du collectif. Pour Faire-face.fr, elle analyse la forte présence et le rôle des personnes handicapées.

Faire-face.fr : Les personnes handicapées ont-elles été très présentes parmi les Gilets jaunes ?

Magali Della Sudda : Oui, une forte implication des personnes handicapées a marqué ce mouvement social. Nous n’avions pas prévu de questions sur le handicap dans notre questionnaire. Mais, spontanément, 5 à 8 % des personnes interrogées se sont déclarées en situation de handicap, d’invalidité ou de maladie longue durée.

« Cette présence massive de personnes handicapées est inédite dans un mouvement social. »

Comme si elles voulaient rendre visible ce qui est habituellement ignoré ou rendu invisible. Cette présence massive est inédite dans un mouvement social non catégoriel.

F-f.fr : Pourquoi les personnes handicapées se sont-elles mobilisées ?

M.D.S : L’insuffisance des ressources des ménages est l’un des ferments du combat des Gilets jaunes. Et la demande initiale d’annulation de la taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques s’est progressivement élargie à d’autres revendications. Notamment sur le pouvoir d’achat et la justice sociale, ainsi que sur la représentation et la démocratie.

« Les revendications spécifiques des personnes handicapées inclues dans le mouvement. »

L’analyse des questionnaires a montré que le mouvement était composé de femmes et d’hommes majoritairement issus de certaines fractions des classes populaires et moyennes (routiers, infirmières, fonctionnaires de catégorie C..). Toutes et tous avec des fins de mois difficiles.

C’est le cas de nombreuses personnes en situation de handicap. Elles sont ainsi plus souvent touchées par la pauvreté. Les mouvements de Gilets jaunes ont repris leurs revendications spécifiques, comme la revalorisation de l’allocation adulte handicapé et la non prise en compte des ressources du conjoint.

F-f.fr : Les personnes handicapées ont-elles trouvé leur place au sein des Gilets jaunes ?

M.D.S : Ce mouvement s’est avéré très inclusif. Des personnes handicapées y ont pris une place de protagonistes de premier plan. 

« Les violences policières n’ont pas épargné les personnes handicapées. »

Alexandre Ribeiro est mobilisé depuis le début du mouvement des Gilets jaunes. Ici, sur le Pont d’Aquitaine, à Bordeaux, le 17 novembre. © DR

Et les violences policières ne les ont pas épargnées. Le fait que les forces de police aient osé s’en prendre à des personnes en situation de handicap visible montre bien que ces dernières étaient considérées comme des militants comme les autres.

De manière plus générale, les femmes étaient également très présentes parmi les Gilets jaunes. Y compris à des positions de leadership et de représentation.

F-f.fr : Les Gilets jaunes handicapés ont-ils joué un rôle particulier ?

M.D.S : Ce mouvement a pour caractéristiques, entre autres, l’occupation des ronds points. Ils sont en effet devenus des espaces d’échanges, de solidarités, d’abolition des inégalités… Cela a pu jouer un rôle dans l’inclusion des personnes en situation de handicap.

Ces dernières, du moins celles qui ne travaillaient pas, ont également contribué à ce que l’occupation des ronds points perdure. Avec les Gilets jaunes retraités ou chômeurs, elles se sont relayées pour assurer une présence permanente.

Des manifestants devenus handicapés

Les violences lors des manifestations ont également causé des blessures invalidantes. Selon le journaliste David Dufresne qui les recense, vingt-quatre manifestants ont été éborgnés et cinq ont eu une main arrachée.

Pour aller plus loin :

– Loïc Bonin, membre de ce collectif d’enquête sur les Gilets jaunes, a rédigé un article très intéressant sur la participation des personnes handicapées au mouvement.

– Dès décembre 2018, Faire-face.fr avait constaté la popularité du mouvement chez les citoyens en situation de handicap : Handicap, colère noire en gilets jaunes.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site est protégé par reCAPTCHA et la Politique de Confidentialité de Google et l'application des Conditions d'Utilisation.

Sujets :
Société