« Au travail, je prends mon indépendance vis-à-vis de la maladie »

Publié le 15 novembre 2022 par Élise Descamps
Partners holding big jigsaw puzzle pieces
Pour Alexandre, souffrant de schizophrénie, se sentir partie prenante d’un projet collectif est un élément stimulant et important pour rester en poste. Image pch.vector / Freepik

Pour la Semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées (SEEPH), Alexandre Pagès, 43 ans, souffrant de schizophrénie nous raconte son parcours chaotique pour accéder au monde du travail. Il est depuis peu en CDI à temps partiel, à Pau, dans les Pyrénées-Atlantiques. Pour juguler sa maladie psychique et conserver son poste, sa clé est celle de se sentir vraiment partie prenante.

Homme barbe fine visage rond portant une veste décontractée
Pour Alexandre, errance médicale et errance professionnelle sont allées de pair.

« Travailler, ce n’est pas juste gagner de l’argent. C’est côtoyer des gens, trouver du plaisir dans ce que je fais, et prendre mon indépendance vis-à-vis de ma maladie. »

Alexandre, quadragénaire habitant Pau, a été récemment embauché en CDI, trois heures par jour, dans une entreprise à but d’emploi pour laquelle il est agent polyvalent. Pour lui, l’enjeu du travail pour les personnes handicapées dépasse largement celui des ressources. Alexandre souffre de schizophrénie. « C’est encore difficile, ma maladie est toujours là, cela me demande une énorme volonté mais occupé, motivé, trouvant du sens, le travail me permet de la canaliser. »

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Le frein de la maladie psychique

Son parcours professionnel, fait essentiellement de stages et de contrats d’insertion, a été chaotique jusqu’à il y a peu. Manutentionnaire, agent d’entretien, brancardier, carreleur en alternance : aucune de ces expériences ne l’a mené vers un emploi stable. Sa maladie psychique, additionnée à son faible niveau scolaire et à des accompagnements pour l’emploi parfois trop peu soutenus, a constitué un frein.

Il commence à travailler à l’âge de 17 ans sans savoir ce qu’il a. « Je ne me rendais pas compte de ma difficulté à m’adapter aux autres, je ne comprenais pas pourquoi j’étais si fatigué, irritable, pourquoi je voyais les choses en noir. » Pourquoi, aussi, même des contrats d’insertion ou son contrat de qualification en carrelage ne lui donnaient pas l’impulsion nécessaire à une stabilité professionnelle.

Puis, l’aggravation de ses symptômes – délires de persécution accrus, attaques de panique quotidiennes – le conduisent enfin au diagnostic. Il a 26 ans. Sa traversée du désert, d’hospitalisations en essais de traitements, dure dix ans. Travailler n’est alors pas envisageable.

Le déclic : un projet collectif

En 2016, mû par une farouche envie de travailler, il se remet en selle. Il enchaîne les stages et suivis dans le cadre de divers dispositifs. En 2018, il intègre le Plan local pour l’insertion et l’emploi de l’agglomération Pau-Béarn-Pyrénées. Accompagné par APF France handicap, il y bénéficie de remises à niveau (français, anglais, informatique). Et il travaille un an et demi en contrat d’insertion.

Le déclic se produit véritablement l’an dernier, quand il se lance dans l’aventure Territoire zéro chômeur de longue durée. Il sera l’un des heureux participants au lancement d’une entreprise à but d’emploi.

L’association Ecloz, née en août dernier, a déjà ouvert sa recyclerie et sa boutique. Elle prépare aussi un ensemble de services (vélo taxi, dépôt-location de matériel de bricolage…). « On a choisi le nom, peint les murs, c’est motivant. Mes tâches sont très variées et on me permet de travailler à temps partiel. Tout le monde s’entend bien et cela nous a soudés d’avoir bâti ce projet ensemble. »

Alexandre l’a compris, pour que cela marche, pour qu’il « prenne le dessus » sur sa maladie, il doit se sentir partie prenante d’un projet collectif.

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