« Démystifier l’épilepsie »

Publié le 13 février 2023 par Pauline Hervé
« Une immense majorité des personnes malades préfèrent taire leur pathologie. En sensibilisant le grand public, nous tentons de briser ce cercle vicieux », explique Christophe Lucas, président de l'association Épilepsie France.

En France, 650 000 personnes souffrent d’épilepsie, encore trop souvent confrontées à des préjugés. La Journée internationale de cette maladie chronique, ce 13 février, est l’occasion de casser les idées reçues. Entretien avec Christophe Lucas, président de l’association Épilepsie France, qui lutte au quotidien pour soutenir les malades et sensibiliser le grand public.

Faire-face.fr : Cette année, Épilepsie France met en avant les préjugés sur cette maladie. Pourquoi ?

Christophe Lucas : Des établissements scolaires, des entreprises, nous sollicitent régulièrement pour des interventions concernant l’épilepsie. On y entend encore beaucoup de phrases absurdes : « C’est comme être possédé », « Est-ce contagieux ? » L’épilepsie reste stigmatisée et « mystérieuse » alors qu’on connaît son mécanisme.

Sortir les malades du silence

Il s’agit d’un dysfonctionnement des cellules du cerveau, qui génèrent des décharges électriques excessives. Or, l’un des facteurs d’isolement des malades est la peur du regard des autres. Ainsi, une immense majorité préfère taire sa pathologie. En sensibilisant le grand public, nous tentons de briser ce cercle vicieux.

F.-f.fr : Comment se passent les rencontres dans les écoles ?

C.L : Elles interviennent souvent à la demande des parents d’un enfant épileptique. Notre objectif premier : sensibiliser l’ensemble des équipes pédagogiques. En effet, l’angoisse des enseignants est de ne pas savoir quoi faire en cas de crise. Nous expliquons les choses et dédramatisons afin qu’ils soient en confiance si cela arrive. Nous soulignons aussi que l’épilepsie peut prendre la forme “d’absences”. C’est important, car certains élèves épileptiques sont encore étiquetés “dans la lune”, lents, ou paresseux.

Le jeu pour expliquer la maladie

Avec les enfants, on utilise le jeu pour leur expliquer la maladie : la constitution du cerveau, le fonctionnement des neurones… Dans les petites classes, on rencontre peu d’ostracisation. En revanche, c’est beaucoup plus compliqué au collège où les différences sont facilement moquées.

 Les gens ne comprennent pas qu’on ne guérit pas de l’épilepsie. »

F.-f.fr : Et dans les entreprises ?

C.L  : Auprès des adultes, ce qu’on entend le plus c’est : « Vous prenez un traitement, il ne devrait pas y avoir de souci ! » Les gens ne comprennent pas que l’on ne guérit pas de l’épilepsie – mis à part avec une opération du cerveau, qui ne concerne que 2 % des malades. Face à cela, nous comparons avec une personne qui a un problème cardiaque, comme une arythmie. Elle prend des cachets pour équilibrer ce dysfonctionnement mais ils ne la guérissent pas.

Pour l’épilepsie, c’est pareil. À un moment, le rythme du cerveau s’emballe, même avec un traitement. Cela crée une crise, qui s’exprime par des absences, des tremblements ou par des convulsions. Avec cette comparaison, les gens comprennent beaucoup mieux la réalité de l’épilepsie. Ces échanges sont souvent l’occasion pour une personne de révéler son épilepsie ou de parler d’un proche qui en est atteint. Cela ouvre le dialogue et permet de démystifier l’épilepsie : c’est une maladie comme une autre. On peut tout à fait travailler et vivre une vie ordinaire avec.

Aller plus loin
Épilepsie France a publié  fin 2022 le Livre blanc de l’épilepsie, élaboré par les patients épileptiques membres de l’association. Il liste les problèmes rencontrés par les malades et donne des pistes de solutions, en espérant obtenir le soutien de l’État.

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