Repérage du handicap : le rôle-clé des professionnels de la petite enfance

Publié le 27 juin 2023 par Élise Descamps
Ces dernières années, des livrets d'observation à destination des assistantes maternelles, personnels de crèche, et autres professionnels de la petite enfance, ont vu le jour. © RSVA

Les professionnels de la petite enfance peuvent contribuer au repérage précoce des écarts de développement chez les enfants en bas âge dont ils s’occupent. Aux côtés des parents et professionnels de santé, ils constituent le premier maillon du parcours diagnostique. Mais même s’ils y sont davantage sensibilisés que dans le passé, repérer n’est ni simple ni porteur de solution magique. 

« L’école, notamment la petite section, est un lieu fort de repérage du handicap, que le collectif vient révéler. » Professeure des écoles en maternelle près de Rouen, Lauriane Henrot a, chaque année dans sa classe, un ou plusieurs élèves présentant des troubles mais sans diagnostic ni prise en charge. « Souvent, les parents ne me disent rien, que ce soit par déni, par peur ou parce qu’ils ne s’en rendent réellement pas compte. J’aborde les choses peu à peu. »

Les professionnels de la petite enfance – assistantes maternelles, personnels de crèche, professeurs des écoles maternelles, Atsem…, bien que non spécialistes du handicap, se situent à un poste d’observation privilégié pour constater d’éventuels retards de développement. Ils côtoient au quotidien et sur la durée les enfants en bas âge qu’ils ont en charge, à la différence des médecins, et disposent de points de comparaison, à la différence des parents.

Des outils pour se repérer

Les politiques publiques visant à repérer les troubles le plus tôt possible pour mieux les prendre en charge, en raison de la plasticité cérébrale à cet âge, portent des attentes accrues sur eux. Lors de la première stratégie nationale autisme et troubles du neurodéveloppement (TND) 2018-2022, la Délégation interministérielle autisme-TND a édité un livret Repérage précoce des écarts inhabituels de développement chez les enfants de 0 à 3 ans, à remplir conjointement par les parents et les professionnels de la petite enfance. À chaque âge, des cases à cocher ou non : tenir la tête droite, empiler cinq cubes… Objectif : améliorer l’orientation vers les plateformes de diagnostic et de prise en charge (Camsp, PCO, CMPP).

La  stratégie nationale autisme et TND suivante, 2023-2027, au lancement imminent, devrait, quant à elle, travailler à améliorer la formation initiale et continue de ces professionnels en matière de repérage de ces troubles.

Observer, pas diagnostiquer

« Longtemps, on a banalisé des petits troubles, disant que tous les enfants se développent à leur rythme. Mais ce n’est vrai que dans une certaine mesure. Par exemple, à 24 mois, on doit marcher. Face à un enfant qui a du mal à manger, qui ne dort pas, qui est très somnolent, il faut être vigilant », indique Geneviève Laurent, présidente de l’Association nationale des équipes contribuant à l’action médico-sociale précoce (Anecamsp), qui vulgarise cette information via des vidéos et dont les membres interviennent dans des structures d’accueil du jeune enfant.

« Les assistantes maternelles sont expertes de l’observation, parfois plus que les parents. Mais, souvent, elles ne se sentent pas légitimes à aborder ces sujets, d’autant qu’elle sont souvent isolées », indique Gaël Evanno, directeur du Réseau de services pour une vie autonome (RSVA), en Normandie. Cette association a édité, il y a quelques années, un livret sur le repérage chez les 0-3 ans, s’adressant spécifiquement à ces professionnelles. Un autre est en préparation pour les professionnels de crèche. « Pour leur donner confiance, les rassurer, il faut les former : en aucun cas, il ne s’agit de diagnostiquer ni de voir seulement le négatif. Une observation inhabituelle seule ne veut rien dire. C’est la succession des signes qui doit amener à s’interroger. »

Maintenir la relation avec les parents

La difficulté de la tâche provient du fait d’être souvent le premier ou la première à aborder un sujet sensible. « On peut braquer les parents, les blesser, quand ils ne sont pas prêts à entendre certaines choses ou que l’on manque de tact », constate Lauriane Henrot, professeure des écoles. Une année scolaire passe aussi très vite, et l’enjeu d’obtenir un AESH nécessite de remplir des dossiers qui pointent les déficiences. « Cela est vécu parfois violemment par les familles. »

En mémoire de master, Lauriane Henrot a longuement étudié cette dimension psychologique et parfois conflictuelle de la relation qui se joue au moment de telles conversations. Alors repérage précoce ne doit pas rimer, selon elle, avec précipitation, au risque d’obtenir l’inverse : la rupture du lien. Recueillir les doutes et accompagner sur ce chemin souvent difficile : un art subtil.

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Cent plateformes de coordination et d’orientation

5 000 : c’est le nombre d’enfants de moins de 6 ans adressés, chaque trimestre, à la centaine de plateformes de coordination et d’orientation (PCO) visant à établir un diagnostic et une prise en charge de ces bambins potentiellement atteints de troubles du neuro-développement. Depuis le début de leur déploiement en 2019, quelque 41 000 enfants, sont passés par ces PCO.

Source : délégation interministérielle à la stratégie nationale pour l’autisme au sein des troubles du neuro-développement.

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