Handicap : la révolution des vêtements intelligents

Publié le 26 septembre 2023 par Florent Godard
La combinaison Exopulse Mollii Suit inclut 58 électrodes qui produisent une neurostimulation sur presque l’ensemble du corps. Une petite unité de contrôle permet de l’enclencher à partir d’une programmation enregistrée et propre à chaque patient. © Ottobock

Équipée d’électrodes, la combinaison Exopulse Mollii d’Ottobock stimule les muscles par impulsions électriques afin de réduire la spasticité et les douleurs. La tenue de Kurage, quant à elle, fait appel à l’intelligence artificielle pour aider à réapprendre la marche. Des innovations sans précédent pour les personnes atteintes d’infirmité motrice cérébrale, d’une sclérose en plaques ou victimes d’un accident vasculaire cérébral. Entre autres.

Moins médiatiques que les exosquelettes futuristes, des vêtements intelligents ont déjà commencé à changer la vie des personnes atteintes de troubles neurologiques en lien notamment avec un accident vasculaire cérébral (AVC), une infirmité motrice cérébrale (IMC), une sclérose en plaques (Sep). Voire atteints de douleurs chroniques comme la fibromyalgie.

Ces tenues améliorent la mobilité avec des effets souvent spectaculaires. Au point que certains internautes ont même cru à un “fake” en découvrant les vidéos présentant la combinaison Exopulse Mollii Suit, distribuée par Ottobock.

Une combinaison et 40 muscles en action

Inspirée des tenues d’astronautes, cette combinaison élastique intègre des électrodes générant une « neurostimulation à basse fréquence sur 40 muscles du haut et du bas du corps ». Difficile de lister ici toutes les vertus revendiquées par l’équipe du chiropracteur Fredrik Lundqvist, son inventeur : améliorer en vitesse et fluidité la marche et des gestes simples – comme boire un verre d’eau, apaiser les douleurs ou les spasmes musculaires, renforcer le signal entre le cerveau et les muscles…

Cofondateur avec Fredrik Lundqvist d’Exoneural Network, société suédoise à l’origine du produit avant d’être rachetée par Ottobock, Nicolas Loren Abboud a lui-même été bluffé. En effet, en 2015, il l’a d’abord fait tester à Léa, sa fille de 7 ans atteinte d’une IMC.

« Après 20 minutes de stimulation, elle a réussi à tourner sa main à 180 °, à s’asseoir à angle droit et à croiser les jambes. Ce qu’elle était incapable de faire », se souvient l’entrepreneur. À cette époque, une lourde opération avait été programmée pour sa fille : élongations musculaires, reconstruction des pieds, etc. « Non seulement la chirurgie a été repoussée jusqu’à son douzième anniversaire, mais l’opération s’est aussi avérée moins contraignante », poursuit-il.

Moins de raideur et de douleurs

La combinaison de neuromodulation active les muscles affaiblis mais diminue surtout la spasticité, cette raideur musculaire qui limite l’ampleur du mouvement. En jouant sur un mécanisme : l’inhibition réciproque. « Chaque articulation fonctionne grâce à des muscles agonistes et antagonistes, effectuant un mouvement et son inverse. Quand on actionne l’un, l’autre se relâche. Si votre biceps est contracté, on va donc envoyer des influx électriques au triceps pour activer ce mécanisme réflexe », explique Samar Ayache. Professeure de neurologie, elle mène actuellement plusieurs études sur ce dispositif à l’hôpital Henri-Mondor de Créteil.

La stimulation électrique atténue aussi les douleurs neuropathiques. « En envoyant par ce biais des messages vers la moelle, on ferme la porte aux messages qui transmettent la douleur. Via un phénomène de saturation », précise la neurologue. Ses études ont même démontré pour la première fois une amélioration de l’équilibre chez les patients.

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Un usage simplifié

Certes, des technologies de « neurostimulation électrique transcutanée » existaient déjà, rappelle Samar Ayache. Mais elles restaient généralement appliquées sur quelques parties du corps et seulement par des experts. La combinaison démultiplie ici les effets tout en simplifiant l’usage, ouvrant la voie à une utilisation à domicile. Près de 200 personnes la portent aujourd’hui en France. « L’utilisation recommandée est de 60 minutes tous les deux jours, voire tous les jours selon les cas », indique Fredrik Lundqvist.

La tenue Kurage (prononcer Kou-ra-Gué) se compose d’un ordinateur miniature inséré entre les fibres d’un gilet, lui-même relié à un legging doté de capteurs sensoriels. © Kurage

Un gilet et legging pour recréer la mobilité

Parmi les créateurs de vêtements intelligents figure aussi la start-up lyonnaise Kurage. Relativement légère (2 kilos), sa tenue se compose d’un gilet doté d’une d’intelligence artificielle (IA) connecté à un legging bourré de capteurs.

L’IA réalise d’abord un diagnostic des capacités motrices de la personne. En détectant son incapacité à réaliser certains mouvements. Cette “neuroprothèse” va alors envoyer un signal adapté aux jambes, muscle par muscle, afin de recréer les mouvements adéquats pour marcher, faire du vélo… « Le but est de maintenir ou de recréer la mobilité via deux leviers : en renforçant les muscles et en réapprenant au cerveau à effecteur les gestes », synthétise Rudi Gombauld, président de Kurage.

Ce dispositif s’adresse aussi bien aux centres de rééducation qu’aux structures médico-sociales. Il cible en premier les victimes d’AVC, mais vient aussi en aide aux paraplégiques, tétraplégiques ainsi qu’aux patients atteints de maladies chroniques (Parkinson, Sep, Covid long…), qui ont notamment perdu des capacités musculaires.

Vers une version pour le haut du corps

En utilisant la plasticité du cerveau, Kurage revendique la capacité de recréer des routes ou boucles neuronales peu après un AVC. Permettre de reproduire le mouvement grâce au vêtement connecté aide en effet le cerveau à réapprendre, puis à reproduire seul les gestes. Prochaine étape : aider à réapprendre d’autres gestes de la vie courante (comme se lever et se baisser). Une autre version de la tenue, stimulant cette fois le haut du corps, devrait sortir d’ici deux ans.

Témoignage – « J’ai retrouvé l’équilibre »

© DR

Atteint de Sep depuis 1997, Pascal Albiach, 53 ans, vient de tester la combinaison intelligente d’Ottobock à Dijon.

Faire-Face : Comment s’est passé cet essai ?

Pascal Albiach : L’exercice consistait à marcher entre des barres parallèles après avoir porté la combinaison une heure. Honnêtement, j’ai été surpris. Bien que je me déplace en fauteuil depuis cinq ans et ne marche plus sans déambulateur, je me suis presque senti à l’aise. Et j’ai marché plus facilement : le parcours m’a pris 27 secondes, contre 35 avant stimulation.

FF : Qu’est-ce qui a rendu la marche plus facile ?

P.A : Moins de spasticité d’abord. J’ai pu lever ma jambe droite, alors que d’ordinaire elle ne décolle pas du sol. Je dois la tirer tel un boulet. Mais surtout, j’ai retrouvé l’équilibre. Je me suis tenu debout sans m’appuyer aux barres. J’ai remué les bras, puis je me suis déhanché sans perdre l’équilibre. J’avais envie de danser pour voir jusqu’où je pouvais aller ! Ça a fait rire tout le monde. Impossible de m’exprimer tellement j’étais ému.

FF : Combien de temps les effets ont-ils duré ?

P.A : 48 heures. Le lendemain, je me suis remis debout sans appui à la surprise de mes enfants. Du jamais vu depuis sept ans. Mes douleurs neurologiques – des sensations de brûlure au niveau du mollet notamment – ont même diminué. Chez le kiné, on a réduit le travail d’assouplissement et j’ai pu faire plus d’exercices, avec moins de fatigue. En couplant cette stimulation à ma rééducation, j’aimerais pouvoir regagner en mobilité. Et peut-être pouvoir remarcher avec une ou deux cannes. »

Comment 8 commentaires

Bonjour à vous.
J’ai fait un AVC et mon côté droit est touché. Bras et jambes droite depuis6 ans.
En fauteuil roulant. Je marche en les barre très peu, tellement jai de la plasticité.
Le haut bouge pas Je me sert d un gant robotique main droite et sms à me fait un bien.
Comment fait t on pour avoir la combinaison. Et il y as t il une prise en charge.
J habite à cône sûr loire dans la Nièvre a cône sûr.
Merci

Bonsoir. Je suis maman et mon fils aîné a eu 1 grave accident de moto fin mai. (24 ans , travaillait avait 1 appartement bref….).il se retrouve tétraplégique incomplet. Un cauchemar. Je découvre votre avancée comme tant d’autres. Il est en rééducation actuellement depuis le 1er août. auparavant hospitalisé en réanimation puis en soins intensifs). Ou pourrait on se procurer cette combinaison svp? Merci beaucoup,
Bon week-end
Cordialement
Caroline

Bonjour,
Le problème est la prise en charge. Le prix est rédhibitoire pour beaucoup.
Ainsi, atteint que de myopathie et myosite dégradant les muscles et non de spasticité, je lorgne vers des dermosquelettes qui existent aussi chez OTTOBOCCK, à 175.000€ la paire …..
Cordialement.
G

Bonjour Madame, bonjour Monsieur,

Suite à une opération bariatrique il y a trois ans, j’ai été officiellement déclaré décédé.
Je ne peux hélas plus marcher.
Fauteuil roulant et déambulateur.

J’aimerai tant prendre rapidement contact avec des personnes qui pourraient étudier la faisabilité et la fourniture adéquate de mon nouvel équipement et espoir.

Vous remerciant de votre diligent retour et aides,
Bien à vous,

Laurent Montaldo

Si ça pouvait arriver jusqu’à moi ici à l île de la Réunion ce serait formidable, ma fibromyalgie m empêche de vivre normalement. Je n en peux plus de rester enfermé chez moi avec les douleurs le manque de sommeil la prise de poids dû au manque d exercice etc…

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