Mucoviscidose : la crise de l’hôpital touche de plein fouet les services de soins spécialisés

Publié le 23 octobre 2023 par Emma Lepic
À l’hôpital Foch de Suresnes, dans les Hauts-de-Seine, faute de professionnels, c’est le médecin de Jean-Philippe Duplaix, 48 ans, qui a dû effectuer le bilan de ses quinze ans de greffe des poumons.

Les centres de ressources et de compétences de la mucoviscidose (CRCM) pâtissent d’importantes carences en professionnels. Ils affrontent sévèrement la crise de l’hôpital. Au point que certains malades ne disposent plus du suivi que leur état de santé nécessite. Or, cette pathologie est potentiellement létale.

Cela ne lui était jamais arrivé en quinze ans de suivi. En mai dernier, Jean-Philippe Duplaix, 48 ans, double greffé des poumons en 2008, se rend, comme tous les six mois, à l’hôpital Foch de Suresnes (Hauts-de-Seine). Surpris, il constate qu’aucun professionnel, qui le reçoit habituellement, n’est présent. Il doit réaliser les examens prévus dans le cadre des explorations fonctionnelles : test de la marche, observation des capacités respiratoires…

Pénurie de personnels, consultations réduites

Il le regrette d’autant plus que, précisément, ce jour-là, il aurait dû faire un bilan complet des quinze ans de greffe. « C’est le médecin qui m’a installé dans la machine. C’est comme si un médecin réalisait lui-même les radios ! Il a fait le minimum. Ce n’est pas son travail et cela a diminué d’autant la durée de ma consultation. »

Cette situation apparaît emblématique de la pénurie de professionnels des centres de ressources et de compétences de la mucoviscidose. « Les personnes atteintes de mucoviscidose ne sont plus épargnées par la crise de l’hôpital », observe Thierry Nouvel, directeur général de l’association Vaincre la mucoviscidose.

Manque d’argent, difficulté à recruter

La France compte 47 centres de ce type. Rattachés à un service hospitalier, ils ont été créés en 2002 pour poser les diagnostics, coordonner les soins et mener des travaux de recherche. Ils sont donc pluridisciplinaires et comptent normalement des infirmiers, kinésithérapeutes, pédiatres, pneumologues, diététiciens…

Or, explique Thierry Nouvel, une double difficulté les touche de plus en plus durement. Financière, d’abord. L’association Vaincre la mucoviscidose en soutient quelques-uns, y compris pour financer des salaires de professionnels. En cinq ans, elle a consacré six millions d’euros à l’appui financier des CRCM.

Deuxième problématique prégnante : les difficultés de recrutement. Les centres fonctionnent à flux tendu. « Je suis à la fois suivi à l’hôpital Foch et à l’institut Cœur Poumon de Lille, où j’habite, indique Jean-Philippe Duplaix. Et dans les deux cas, on m’explique que les effectifs sont ajustés au mieux en fonction du nombre de patients à un instant T. »

Visites espacées, santé en danger

Résultat ? Des conséquences directes pour les malades. Ils voient leurs visites s’espacer, les protocoles de soins mal respectés et leur santé mise en danger.

De quoi inquiéter les parents, comme Laure Cornec. Le CHU de Nantes suit sa fille Lou, 4 ans, depuis qu’elle a un mois. En 2021, pendant l’été, en raison du cumul d’un congé maternité et d’un arrêt maladie, durant près de deux mois, l’hôpital s’est retrouvé sans pneumopédiatre. Précisément au moment où Lou devait réaliser un important bilan pour ajuster ses traitements à l’âge de deux ans.

Laure Cornec a attendu 17 jours avant d’en connaître les résultats. Pendant ce temps, elle rencontré des difficultés à cause d’ordonnances non renouvelées. De plus, l’attente de certificats médicaux ont compliqué des démarches auprès de la MDPH. Laure Cornec admire le travail de l’équipe du CRCM mais devant cette tension permanente sur les effectifs des médecins, il lui arrive de s’interroger : devrait-elle faire soigner sa fille à Rennes, à une heure de route de Nantes ?

L’abandon de soins, un risque réel

Les patients s’inquiètent aussi pour leurs médecins, à l’image de Jean-Philippe Duplaix : « S’il fait un burnout, ce sera une catastrophe. » Avant d’ajouter : « Le manque de professionnels, la pénurie de secrétaires médicales, le recours imposé aux algorithmes de Doctolib qui compliquent singulièrement l’obtention de rendez-vous… La route est semée d’embûches. Dès lors, celui qui en a marre trouvera une bonne excuse pour ne plus aller à l’hôpital. » À ses risques et périls.

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