Le projet de suppression de l’ASS angoisse allocataires de l’AAH et pensionnés d’invalidité

Publié le 16 février 2024 par Franck Seuret
Perdre leur allocation de solidarité spécifique serait particulièrement brutal pour les 15 000 allocataires de l'AAH et les 30 000 pensionnés d'invalidité qui cumulent ces deux prestations.

La suppression annoncée de l’allocation de solidarité spécifique augure de sombres lendemains pour les 45 000 travailleurs handicapés qui la perçoivent, en complément de leur AAH ou de leur pension d’invalidité. La fin de l’ASS ferait en effet baisser leurs revenus de plusieurs centaines d’euros. Sans grand espoir, pour ces hommes et ces femmes, cassés par le travail ou la maladie, de retrouver un emploi après de longues années de chômage.

« Je ne sais pas comment je vais faire. Je ne mange déjà pas beaucoup et je chauffe à peine. Alors là, si mes revenus diminuent d’un tiers… » Au bout du fil, Pascale A. a des sanglots dans la voix. Cette ancienne salariée de La Poste, qui touche l’allocation adulte handicapé (AAH, 971 €) et l’allocation de solidarité spécifique (ASS, 545 €), est très angoissée. Fin janvier, Gabriel Attal a annoncé qu’il comptait mettre fin à l’ASS. Les demandeurs d’emploi en fin de droits qui en bénéficient basculeraient alors au RSA. Mais pas ceux qui sont titulaires de l’AAH, comme Pascale A., les règles de calcul ne leur permettent pas de cumuler les deux.

Les ressources mensuelles de cette célibataire chuteraient donc de 1 516 € à 971 €. « Je fais déjà attention à tout. Qu’est-ce que je vais faire de moins ? » Son unique “luxe”, ce sont le chien et les quatre chats qu’elle a recueillis, dans sa maison du Gard. « Je ne vais quand même pas les abandonner ! »

Pascale, AAH + ASS : « Ce n’est pas vrai que je vais retrouver du travail »

Certes, la fin du cumul AAH-ASS était programmée. Depuis janvier 2017, comme Faire-face.fr l’avait expliqué, seuls peuvent continuer à percevoir les deux ceux qui en bénéficiaient déjà à cette date. Cette dérogation doit prendre fin en décembre 2026 pour les quelque 15 000 personnes encore concernées(1). « Juste après que j’atteigne l’âge de la retraite pour inaptitude », explique Pascale A., qui aura 62 ans en août 2026.

Gabriel Attal veut « supprimer la trappe à inactivité » que serait l’ASS. En clair, remettre au boulot ceux qui se contenteraient de la solidarité. « Mais ce n’est pas vrai que je vais retrouver du travail !, s’indigne Pascale, de sa voix douce et émue. Personne ne veut embaucher une femme de 60 ans qui ne peut pas tenir la cadence. Le monde du travail ne veut plus de moi. Et, là, avec la suppression de l’ASS, j’ai l’impression qu’on me met carrément au ban de la société. »

Michèle, AAH+ ASS : « Il va falloir vivre au jour le jour »

Michèle B., elle, va devoir patienter encore une quinzaine d’années avant d’atteindre la retraite. Mais, en attendant, cette quasi-quinqua, qui vit, seule, dans la Creuse, doute fort d’arriver à décrocher du travail. La faute à cette maladie de Lyme dont elle est atteinte depuis 2015.

« J’ai des douleurs persistantes, une fatigue chronique, un mauvais sommeil, des difficultés de concentration… Même conduire plus de 30 minutes, c’est compliqué. En clair, il faut que je trouve un mi-temps, l’après-midi, le moment où je suis la plus opérationnelle, et pas trop loin de chez moi. Autant dire que je vais avoir du mal à compenser la perte de l’ASS. »

Si le Gouvernement mettait son projet à exécution, Michèle B. n’aurait donc plus que ses 971 € d’AAH. « J’espère que ma voiture ne va pas me lâcher. Il va falloir vivre au jour le jour. »

Régis, invalidité + ASS : « Je me suis tué la santé au travail »

D’autres travailleurs handicapés vont aussi pâtir de la suppression de l’ASS : les quelque 30 000 pensionnés d’invalidité qui la touchent(2). C’est le cas de Régis D., 52 ans, célibataire. Il cumule actuellement sa pension de catégorie 1, d’un montant de 535 €, avec les 545 € d’ASS, soit 1 080 €/mois . Si cette dernière était supprimée, il remplirait les conditions pour bénéficier du RSA… mais ne toucherait rien.

Certes le montant de sa pension (535 €) est inférieur à celui du RSA (607 €). Mais pour le calcul de ce dernier, la Caf ajoute un forfait logement dès lors que le demandeur touche une aide au logement (ou est hébergé gratuitement ou est propriétaire de son logement). Cela représente 73 € /mois pour une personne vivant seule. Dans le cas de Régis D., cela fait donc 73 + 535 = 608 €, soit 1 € de plus que le RSA… « Malgré ma maladie génétique, j’ai travaillé. J’ai fait tous ces petits boulots dont le Gouvernement accuse “les feignants de chômeurs” de ne pas vouloir. Je me suis tué la santé au travail. Et aujourd’hui, pour me remercier, on veut m’enlever la moitié de mes revenus ! »

Si l’ASS était effectivement supprimée, son seul espoir serait d’obtenir l’allocation supplémentaire d’invalidité (Asi). Les pensionnés touchant moins de 860 € peuvent prétendre à ce minimum social. Régis D. toucherait alors 325 € d’Asi, en complément des 535 € de pension. De quoi atteindre ces 860 € de revenu garanti. 220 € de moins qu’aujourd’hui…

Julien, invalidité + ASS : « J’ai l’impression d’être un lépreux au Moyen Âge »

L’addition serait également salée pour Julian P., pensionné d’invalidité de catégorie 2. Aujourd’hui, à ses 940 € de pension s’ajoutent 330 € d’ASS(3). Demain, si cette dernière était supprimée, ne lui resterait plus que sa pension. « Ma mère m’héberge, je ne suis pas prêt de partir ! », sourit, jaune, cet Aveyronnais de 42 ans.

À 25 ans, Julien P. a été victime d’un accident dans l’entreprise où il fabriquait des panneaux solaires. Ses séquelles physiques ont entraîné son licenciement pour inaptitude et la reconnaissance de son invalidité. Depuis, pour se reconvertir, il a suivi des formations de secrétaire comptable et de gestionnaire paie. Son objectif : décrocher un poste à mi-temps.

« Physiquement, je ne tiendrais pas davantage. Le problème, c’est que je ne trouve pas. J’ai passé des dizaines d’entretiens. Mais mon profil d’handicapé fait peur. J’ai l’impression d’être un lépreux au Moyen Âge. Donc, non, je n’accepte pas que l’État cherche à faire des économies sur notre dos. C’est dégueulasse. »

(1) Le dernier pointage officiel en recensait 21 000 fin 2021  et leur nombre décroit régulièrement.

(2) 9 % des allocataires de l’ASS percevaient une pension d’invalidité en 2017, dernière année pour laquelle cette statistique est disponible.

(3) Le cumul pension + ASS ne peut être supérieur à 1 271,9 €. Le montant de l’ASS est donc réduit à hauteur de ce plafond.

Une intention restant à mettre en œuvre

« Nous proposerons la bascule de l’allocation de solidarité spécifique au RSA et la suppression de cette allocation », a expliqué Gabriel Attal dans son discours de politique générale, devant les députés, le 30 janvier. Quand ? Comment ? Depuis aucune information officielle n’a filtré.

Le quotidien L’Opinion assurait, dans son édition du 11 février, que le Gouvernement envisageait de maintenir l’ASS pour les 321 000 allocataires qui en bénéficient déjà aujourd’hui. La suppression ne concernerait que ceux qui auraient dû en bénéficier à partir de 2025. Mais rien ne permet de confirmer que le dispositif sera celui-là.

Comment 9 commentaires

Merci M.Franck Seuret pour l intérêt que vous nous avez porté. Merci pour cet interview et cet article. Tout est dit rien à rajouter.

J’adore votre site rempli d’informations sur l’handicap !
Je suis handicapée visuelle à 80 % je vois 1 dixième avec correction et 0 de l’autre oeil !
J’ai une prothèse ! Je suis à la MDPH et je touche l’allocation adulte handicapée !

Cela devient très difficile de vivre dans ces conditions !
Essence alimentation loyers et maintenant certains vont perdre l ass
On voit bien que la France du travail exclue et paupérise tous ceux qui en sont exclus

Espérons seulement qu’on l’ai déjà au moins jusqu’à 2026 comme c’était convenu….ça serait déjà très bien malgré tout même si ça sera dur après….

Comment peut-on prendre une telle décision de supprimer l’ASS alors que l’on ne trouve pas de travail j’ai 58 ans malgré l’envoi de plusieurs CV aucune réponse le problème ce sont les employeurs qui ne veulent pas de nous alors arrêtez de vous en prendre aux chômeurs on ne vit pas avec 500 € d’ASS

On parle beaucoup de l AHH, pour se qui on eu pension d invalidité catégorie 2 de 627 par mois avec l ass cela fait environ 1190e, si il supprime l ASS je suis pas éligible avec le RSA je vais vivre avec 627e imposable qui veut dire mon apl va changer pourquoi nous faire ça, je tiendrais pas moralement..physiquement on touche les faibles chaque situation est différente le gouvernement va t il penser aux personnes en invalidité je suis dans l inquiètude pôle emploi ne sait pas la caf’non plus me dit on a pas entendu parler de ceci.
Quoi faire qui peu répondre à nos questions
Et d être une personne seule sans enfant on est personne..

Âgée de 60 ans au chômage fin de droit ASS 563 euros pour 31 jours et 545 eutos pour 30 jours et je n’ai pas tous mes trimestres poyr ma retraite je suis effondrée suite au discours du 1er ministre voulant supprimer cette prestation je me demande comment je vais pouvoir subvenir à ma vie actuelle et surtout au niveau de ma retraite je serai au plus bas niveau si j’en ai une
C’est honteux de s’attaquer au Seniors de 60 ans et plus et aux personnes en invalidité aucun respect aucune tolérance je suis outrée

Merci beaucoup pour votre article. J espère que le gouvernement prendra conscience que la vie des plus faibles ne peut être la valeur d ajustement de leur quête d économies.

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