Série 3/4 Comment ma vie a basculé « Par méconnaissance du syndrome d’Ehlers-Danlos, on m’a accusée de maltraitance sur mes enfants »

Publié le 2 mai 2024 par Élise Descamps
Pris dans un engrenage judiciaire, Ophélie et son conjoint ont été séparés de leurs enfants pendant sept mois.

Pendant sept mois, Ophélie* et son conjoint ont vu leurs deux enfants en bas âge placés en famille d’accueil, pour suspicion de maltraitance, suite à l’apparition d’hématomes inexpliqués. Une descente aux enfers au cours de laquelle le syndrome d’Ehlers-Danlos (Sed), qui provoque ce type de symptômes, a été identifié. 

« Notre vie a basculé un soir de juillet 2022. Nous avions couché notre fils et, plus tard dans la soirée, nous l’avons découvert avec un hématome au visage. Il dormait pourtant paisiblement. Inquiets, nous avons appelé le 15. Quand les secours sont arrivés, ils nous ont vite suspectés de maltraitance.

La descente aux enfers

À l’hôpital, un scanner cérébral n’a montré aucune lésion. Pourtant, le pédiatre a fait un signalement. Le lendemain, radio et fond de l’œil étaient également normaux. Mais la machine était déjà lancée. Et la descente aux enfers a commencé J’ai été placée en garde à vue plus de 24 heures, et nos deux enfants (mon fils et sa grande sœur) ont été mis en famille d’accueil. J’étais anéantie.

Nous n’avons revu nos enfants qu’un mois après, en présence d’un médiateur. J’ai arrêté de travailler pour être disponible lors de ces visites, ce qui a rendu notre situation financière difficile.

Le Sed, découverte d’une pathologie familiale

Lors de mon expertise psychiatrique, pour la suspicion de maltraitance, j’ai appris que le magistrat avait demandé pour notre fils l’avis d’un médecin. Or ce médecin était spécialiste du Syndrome d’Ehlers-Danlos (Sed). Le magistrat avait donc des doutes sur notre dossier.

Nous avons fait des recherches et nous sommes rendu compte que le Sed correspondait à mon quotidien depuis petite : problème de proprioception, peau qui marque extrêmement vite, luxations, entorses, douleurs diffuses, crises de tachycardie…. Pourtant, il y a quelques années, les médecins avaient diagnostiqué une fibromyalgie.

Du coup, j’ai obtenu un rendez-vous dans un centre de référence du Sed, qui m’a posé ce diagnostic. Le diagnostic sur mes enfants n’est pas encore possible car ils sont trop jeunes. Mais le médecin a constaté, chez notre fille, une laxité des mains et des pieds, ce qui est typique. Elle aussi est sujette aux bleus, évalue mal les distances, se cogne facilement et sa peau marque anormalement.

La douleur de sept mois de séparation

Nous avons produit toutes ces attestations médicales. Mais les magistrats ont estimé que la transmission génétique du Sed existait seulement dans un cas sur deux et donc que ce n’était pas certain. Pourtant, les bleus continuaient d’apparaître sur nos enfants même lors du placement en famille d’accueil.

Finalement, on nous a rendu nos enfants, après sept mois de placement. Avec toutefois toujours un suivi éducatif de quelques mois afin de rassurer la juge des enfants. Depuis, nous revivons et nous essayons de reconstruire notre foyer après la douleur atroce de la séparation.

L’angoisse de l’avenir

Mais ce n’est pas simple. Notre fille fait beaucoup de cauchemars. Nous sommes très angoissés pour l’avenir car des épisodes d’hématomes peuvent se reproduire. Et nous aurons toujours peur d’aller aux urgences. En effet, aucun document ne nous innocente. Nous avons seulement l’écrit médical indiquant ma pathologie et le suivi annuel que nos enfants auront dans ce centre de référence du Sed.

Dans notre malheur, ils vont au moins bénéficier d’une prise en charge adaptée et comprendre ce qui va leur arriver, pas comme moi dans mon enfance. Je saurai être à leur écoute quand ils me diront “bobo”. »

* Le prénom a été modifié.

Le soutien de l’association Vivre avec le Sed

Ophélie et sa famille ont trouvé du soutien auprès de l’association Vivre avec le Sed. Celle-ci accompagne aussi d’autres parents accusés de maltraitance sur leurs enfants en bas âge, dont ils ignorent la pathologie. Certains sont condamnés à des peines de prisons. L’association témoigne de la maladie lors de leurs procès et sensibilise médecins, magistrats, travailleurs sociaux, pour éviter de nouvelles accusations.

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Comment 1 commentaire

Le comportement des magistrats, incapables de se remettre en cause et qui devraient en 2024 connaître le SED vu les répercussions judiciaires qu’il peut entraîner est INQUIÉTANT . Ils connaissent par cœur tous les vices de forme qui mettent à plat des mois ou des années d’investigation et dans le cas qui nous occupe, contrairement aux médecins, ils n’ont jamais de plainte à leur rencontre. Combien de temps encore ?

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