« La déconjugalisation de l’AAH est une révolution à portée volontairement limitée »

Publié le 26 octobre 2023 par Franck Seuret
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Pierre-Yves Baudot : « Emmanuel Macron a justifié cette réforme au nom de l'amour dans le cas spécifique des personnes handicapées, pas du tout par un changement de philosophie générale de la protection sociale ! »

La déconjugalisation de l'AAH ouvre une brèche dans notre système de protection sociale qui repose, d'abord, sur la solidarité familiale, analyse Pierre-Yves Baudot. Mais, pour le sociologue, le Gouvernement a restreint la portée de cette mesure. De plus, elle ne doit pas faire oublier le durcissement des conditions d'accès à cette allocation.

Faire-face.fr : Que signifie la déconjugalisation de l’AAH, entrée en vigueur le 1er octobre, en termes de politique sociale ?

Pierre-Yves Baudot est professeur de sociologie à l'Université Paris-Dauphine. Il est co-auteur du livre Le Handicap cause politique, paru en 2021 aux Presses universitaires de France. © DR

Pierre-Yves Baudot : C'est une transformation historique et radicale de notre modèle de protection sociale. La déconjugalisation remet, en effet, en cause le principe de subsidiarité. La subsidiarité, c'est l'idée que l'assistance sociale* constitue l'ultime filet de sécurité. La solidarité nationale n'intervient qu'après toutes les autres solidarités, et notamment la solidarité familiale.

Dans la protection sociale française, la famille occupe une place centrale. On le voit notamment dans le cas des aidants familiaux. L’État se repose beaucoup sur eux pour résoudre les problèmes posés par la perte d’autonomie.

Le conjoint n’est plus enjoint de devoir supporter les coûts induits par le handicap. »

Or là, avec la déconjugalisation, le fait de ne pas être en capacité de travailler en raison d'un handicap donne droit à une allocation. Quelles que soient les ressources du conjoint. Celui-ci n’est plus enjoint de devoir supporter les coûts induits par le handicap, dont une partie, d’ailleurs conséquente, n’est compensée d’aucune façon et laisse de gros restes à charge. C'est une révolution.

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F-f.fr : La déconjugalisation va-t-elle dans le sens d'un assouplissement des conditions d'attribution de l'AAH ?

P-Y.B : D'un côté, on peut considérer que l'AAH devient plus généreuse. Si on peut utiliser ce terme pour une allocation dont le montant maximal reste sous le seuil de pauvreté monétaire ! Mais son montant augmente régulièrement. Les droits peuvent être attribués à vie....

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