Route du Rhum 2022 : Fabrice Payen, navigateur en “solidaire”

Publié le 3 novembre 2022 par Bruno Saussier
« Le podium n'est pas mon objectif. Je souhaite davantage enchaîner les victoires sur l'évolution du regard porté sur le handicap. En faire un sujet de discussion et de débat », assure Fabrice Payen. © Bruno Saussier

Le 9 novembre, Fabrice Payen, le skipper malouin appareillé d’un genou prothétique prendra le départ de sa deuxième Route du Rhum. Lui et son bateau portent un message universel : “Cap vers l’inclusion”.

Faire-face.fr : À quelques jours du départ, dans quel état d’esprit attaquez-vous votre deuxième Route du Rhum ?

Fabrice Payen : Je suis serein, même si tout n’est pas encore prêt. Je suis moins dans un projet de résilience personnelle que pour ma première traversée. Désormais, mon projet n’est pas seulement autour du handicap mais il intègre cette thématique avec de beaux partenaires engagés. On est passé du particulier au général avec un message inclusif. Pour autant, malgré cette valeur universelle, il a été difficile de trouver des sponsors.

Baptisé Ille-et-Vilaine Cap vers l’inclusion, le multicoque de Fabrice Payen sera au départ de la Route du Rhum, le 6 novembre. © DR

Pour certaines entreprises, ça ne correspond pas à leur communication, davantage orientée sur les performances ou la technologie. D’autres n’ont pas la responsabilité sociétale chevillée au corps. Je pensais que la présence du département (NDLR : le Conseil départemental d’Ille-et-Vilaine est le sponsor principal de son bateau Cap vers l’inclusion) allait créer un appel d’air. Au contraire, elle a figé les choses. En effet, c’est écrit tellement gros sur mon bateau que beaucoup ont pensé que mon budget était bouclé, ce qui n’est pas le cas.

La question du changement des regards est difficile à mesurer. »

F-f.fr : Votre association Team Vent Debout s’est donné quatre objectifs. La visibilité des personnes en situation de handicap, le changement de regard, la promotion de l’inclusion et la révélation des talents. Notez-vous des évolutions dans ces domaines ?

F.P : La situation évolue mais lentement. Je déplore la construction culturelle qui s’est faite autour du handicap. Certaines associations et ONG sont devenues tellement importantes qu’elles cloisonnent le handicap au lieu d’aller vers le tout inclusif comme dans d’autres pays. Mais bon, depuis 2019, je n’ai plus à justifier ma situation de personne handicapée tous les cinq ans, ce que je considérais comme une démarche presque humiliante. Et la déconjugalisation de l’AAH est aussi une avancée, même si elle n’est pas encore en vigueur.

Quant au changement des regards, c’est difficile à mesurer. Quand on voit que le handicap est la première source de discrimination sur le territoire depuis cinq ans, on se dit qu’il y a quand même des freins pour que les choses évoluent.

La course au large est un beau support pour arriver avec sa différence. Mais en entreprise, l’adaptation est toujours un sujet sensible. »

F-f.fr : Vous espériez inscrire la course au large aux JO 2024 comme « première épreuve véritablement inclusive de l’histoire des jeux Olympiques », or le Comité international olympique (CIO) en a décidé autrement. Quel bilan en tirez-vous ?

F.P : Il n’y aura même pas de voile paralympique ! Ce qui me fait dire que les freins sont toujours là… Cette année, nous sommes quatre marins en situation de handicap au départ du Rhum, c’est signe que nous y avons notre place.

La course au large est un beau support pour arriver avec sa différence, mais dans le monde du travail et de l’éducation, on n’y est toujours pas. En entreprise, l’adaptation est toujours un sujet sensible. Quand on sait que 80 % des handicaps sont invisibles, on imagine aisément que faire son coming-out demeure un problème. Or, c’est notre avenir qu’on prépare, ou pas, à travers des choix de société.

Aussi dans la course…

Outre Fabrice Payen, qui concourt, en classe Rhum Multi, sur Ille-et-Vilaine Cap vers l’inclusion, cette 12e édition de la Route du Rhum rassemble d’autres skippers en situation de handicap.
Damien Seguin, triple champion paralympique, né sans main gauche, prendra le départ sur Groupe Apicil. Le Chinois Jingkun Xu, qui a perdu sa main gauche à 12 ans, barrera le China Dream Haikou.
Et Pierre-Louis Attwell, atteint de la maladie de Crohn, skippera le Vogue avec un Crohn.

À noter que le skipper valide William Mathelin-Moreaux, qui porte les couleurs de l’association Perce-Neige sur le Dékuple, s’est lui aussi engagé pour promouvoir l’inclusion des personnes en situation de handicap.

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