Jeux paralympiques : de la sueur et des sous pour préparer Rio

Publié le 15 septembre 2016 par Franck Seuret
Ludovic Lemoine doit trouver chaque année 15 à 20 000 € pour financer sa saison d'escrimeur de haut niveau. © Photo CSPF 2016/Luc Percival

Préparer les Jeux paralympiques coûte cher. En efforts et en argent. Certes, les athlètes français bénéficient des aides de leur club et des pouvoirs publics. Mais ils doivent aussi trouver sponsors et mécènes.

Nicolas Savant Ara sort de sa poche, chaque année, 3 à 4 000 € pour vivre sa passion.
Nicolas Savant Aira sort de sa poche, chaque année, 3 à 4 000 € pour vivre sa passion. © CSPF2016/Pervillé

Quelques minutes pour gagner une médaille, des années pour s’y préparer. Mais l’entraînement ne nourrit pas son athlète. Aucun des 126 Français concourant aux Jeux paralympiques de Rio ne vit uniquement de ses talents de handisportif. Tous sont amateurs. Ils doivent même souvent piocher dans leur compte en banque pour aller au bout de leur passion.

« Je sors 3 à 4 000 € de ma poche, chaque année, estime Nicolas Savant Aira, médaillé de bronze par équipe à Londres en tennis de table. Sans regret car c’est le prix à payer pour vivre des choses fantastiques. Et encore cela ne représente qu’une partie du budget de la saison ! »

Des restes à charge et des extras

Le plus gros poste de dépenses ? Les déplacements en France et, surtout, à l’étranger pour les tournois. L’essentiel de ces coûts est pris en charge par les clubs. La fédération intervient aussi lorsqu’il s’agit de stages ou de compétitions sous la bannière de l’équipe de France. « Mais il reste toujours des frais à notre charge, souligne le nageur David Smétanine, multi-médaillé aux paralympiques. Comme le billet de train ou d’avion, du domicile au lieu de rassemblement, par exemple. »

Pas facile quand on ne dispose que de l’allocation adulte handicapé (808 €) ou une pension d’invalidité pour vivre. Puis, il y a les extras : des compléments alimentaires, des stages supplémentaires ou l’appui d’un coach spécialisé.

Le soutien d’un équipementier… ou pas

Sans oublier le matériel. Il est souvent mis à disposition par le club ou fourni par un équipementier, tous publics ou spécialisé (pour les prothèses, par exemple). Mais la règle souffre ses exceptions. Si David Smétanine est soutenu par le fabricant Speedo, sa collègue Anita Fatis, nageuse elle aussi mais encore vierge de médailles aux Jeux, n’a pas de partenariat avec une marque. « J’achète moi-même mes combinaisons. 400 à 500 € l’unité ! »

Subventions territoriales et bourse de la fédé

Pour financer ces dépenses, les athlètes paralympiques, tous inscrits sur la liste des sportifs de haut niveau, bénéficient toutefois d’aides financières. À commencer par des subventions de la région et/ou de leur département, généralement, dont le montant varie d’un territoire à l’autre. « L’Auvergne m’attribue 2 400 € par an et le Puy-de-Dôme, 2 000 € », confie Ludovic Lemoine. Le capitaine de l’équipe de France d’escrime bénéficie également d’une bourse de la Fédération handisport (4 500 €). Il a en effet été retenu au sein du collectif Parcours de l’excellence sportive. Un privilège réservé à une quarantaine de handisportifs « ayant fait la preuve de leur capacité à être médaillé sur un plan mondial ».

Anita Fatis, atteinte de sclérose en plaques, est sponsorisé par un laboratoire pharmaceutique. Photo CSPF2016/Luc Percival
Anita Fatis, atteinte de sclérose en plaques, est sponsorisée par un laboratoire pharmaceutique. © CSPF 2016/Luc Percival

Un contrat d’image qui « change la vie »

Pour le reste, toutes les sources de financement sont bonnes à prendre. Anita Fatis, par exemple, a eu la chance de se voir proposer un contrat d’image et de parrainage par Sanofi Genzyme, un laboratoire pharmaceutique spécialisé sur les maladies rares, dont la sclérose en plaques. Une aubaine pour la nageuse, atteinte de cette maladie, et qui n’a pour seules ressources que sa pension d’invalidité.

« Ça change la vie, un soutien financer, sourit cette quinquagénaire. Cela m’a notamment permis de payer un coach en préparation mentale et de suivre une préparation physique plus personnalisée. » En contrepartie, elle témoigne de son expérience auprès d’autres malades et prête son image au laboratoire.

Comme elle, une trentaine de handisportifs ont bénéficié d’un contrat de parrainage et/ou, plus rarement, d’un contrat de travail (voir encadré) dans le cadre du pacte de performance lancé par le ministère des Sports en 2014. Ce dispositif vise à inciter les entreprises à s’engager aux côtés d’athlètes peu médiatisés.

Ludovic Lemoine a réussi à décrocher un coup de pouce de la GMF et du Rotary club. (Photo CSPF 2016/Luc Percival)
Ludovic Lemoine a réussi à décrocher un coup de pouce financier de la GMF et du Rotary Club. © CSPF 2016/Luc Percival

 

De multi partenaires pour une année d’escrime de haut niveau

Ludovic Lemoine n’a toutefois pas eu besoin de ce pacte pour convaincre la GMF de lui attribuer un coup de pouce de 5 000 €. L’aide du Rotary Club de Chamalières – 3 000 € – combinée aux subventions de l’Auvergne et du Puy-de-Dôme et à la bourse de la Fédération handisport, soit 17 000 € au total, lui a quasiment permis de boucler son budget annuel.

« 15 à 20 000 € par saison, hors frais pris en charge par mon club et l’équipe de France, calcule-t-il. Ce qui fait grimper la note, ce sont les déplacements à l’étranger pour le circuit coupe du monde. »

Un don contre un bonnet de bain dédicacé

David Smetanine a récolté 5340 € sur un site de financement participatif.
David Smétanine a récolté 5 340 € sur un site de financement participatif.

Faute du soutien de sponsors, en dehors de l’équipementier Speedo qui le fournit en matériel, David Smétanine s’est résolu, quant à lui, à faire appel au financement participatif. Il a récolté 5 300 € grâce aux dons de 86 particuliers sur la plateforme, sponsorise.me.

« J’ai ainsi pu financer, entre autres, une semaine supplémentaire de stage de préparation, en Espagne », explique-t-il. En contrepartie, ses mécènes recevront, selon l’importance de leur écot, une carte postale de Rio ou bien encore un bonnet de bain dédicacé.

50 000 € pour une médaille d’or

Enfin, les médaillés de Rio percevront une prime du ministère des Sports : 50 000 € pour l’or paralympique, 20 000 € pour l’argent et 13 000 € pour le bronze. Depuis 2008, son montant est aligné sur celui des primes olympiques.

Mais à quatre jours de la fin des Jeux,  seuls dix-huit athlètes ont accroché un podium (quatre en or, trois en argent, le reste en bronze). Les autres se contenteront de beaux souvenirs. Franck Seuret

Un travail, des entraînements

Comme 14 autres athlètes paralympiques français, Élise Marc est salariée du ministère de la défense.
Comme quatorze autres athlètes paralympiques français, Élise Marc est salariée du ministère de la Défense. © CSPF 2016/Luc Percival

Le sport de haut niveau, c’est bon pour le boulot. La conclusion est bien sûr un peu hâtive. Mais les trois quarts des athlètes français présents à Rio ont une activité professionnelle (66 %) ou sont étudiants (8 %). Seuls 26 % demeurent sans profession, qu’ils soient parent au foyer, demandeur d’emploi ou sans activité déclarée.

Jeunes, socialement bien insérés, bien dans leur corps… : ces athlètes ne manquent certes pas d’atouts favorisant leur insertion professionnelle. Mais sans doute faut-il voir aussi dans ces bons chiffres un lien avec la mise en place, en 2007, d’une cellule de suivi socio-professionnelle au sein de la Fédération française handisport.

Travail à temps partiel pour salaire à taux plein

« Nous avons pour mission d’accompagner les sportifs de haut niveau dans la réalisation de leur projet de vie, explique Valentine Duquesne, sa responsable. Nous les y aidons en utilisant nos réseaux. »

Notamment les entreprises engagées dans le pacte de performance : une dizaine d’athlètes handicapés ont été recrutés sur des contrats de travail aménagés, des Cip. Ludovic Lemoine, par exemple, a été embauché par LCL : « Mon employeur accepte que je ne travaille qu’à temps partiel – 40 % en 2015 et 20 % en 2016, pour un salaire à temps plein », explique-t-il.

Armée de champions

Le ministère de la Défense a également recruté des athlètes paralympiques pour son  « armée de champions » : quatorze d’entre eux se sont envolés pour Rio dont la triathlète Élise Marc. Depuis mars 2015, elle s’entraîne à temps plein au Pôle France de Boulouris à Saint-Raphaël (83) avec d’autres sportifs de haut niveau. Des conditions de préparation idéales.

La débrouille pour beaucoup

Mais la majorité des membres de l’équipe de France ne bénéficient pas de contrats aménagés. Charge à eux, donc, de s’organiser pour concilier vies professionnelle et sportive : temps partiel, congés sans soldes, petits arrangements avec l’employeur… Le sport de haut niveau, c’est bon pour la débrouille.

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