Funambules : sur le fil des troubles psychiques, entre réel et imaginaire

Publié le 16 mars 2022 par Emma Lepic
Ce long-métrage s’articule autour de trois figures principales : Aube, Yoann et Marcus. Il interroge leur vie en dehors de leur suivi thérapeutique.

En salles ce 16 mars, Funambules mêle vie réelle de personnes vivant avec des troubles psychiques et vécu de personnages inspirés de leur biographie, sous la forme d’un docu-fiction. Un objet cinématographique en partie insaisissable, à l’image de ceux qu’il tente de dévoiler. De façon impressionniste, apparaît toutefois le quotidien de femmes, d’hommes et de leurs proches. Par petites touches, avec finesse et pudeur.

Aube aime les punks. Dans sa cuisine, elle confie : « J’aimerais en avoir un comme ça, point ! » Dans le jardin d’un hôpital psychiatrique, Yoann affirme : « Je crois au soleil. » Marcus, homme âgé revenu de tout, agresse verbalement tous ses proches, qui tentent de l’amener à faire du rangement dans son appartement encombré.

Funambules, en salle ce 16 mars, s’articule autour de ces trois figures principales. Dans ce long-métrage, le réalisateur, Ilan Klipper, présente d’abord ces hommes et femmes, à la manière d’un documentaire. Puis, subrepticement, il glisse vers la fiction et la mise en scène, et ces êtres réels deviennent, aussi, des personnages.

 Dehors c’est beaucoup plus dur. Les gens rigolent pas. » Yoann

Funambules propose donc aux spectateurs un objet cinématographique hybride, une sorte de docu-fiction. La frontière, le moment de bascule entre réalité et imaginaire, est peu perceptible. Comme si ce flou des limites renvoyait à celui de la séparation entre raison et déraison, “folie” et “normalité”. Ainsi l’actrice Camille Chamoux n’est-elle pas la fille de Marcus, mais l’amie de sa fille réelle. Ainsi encore, Aube n’attend-elle pas son punk, puisqu’elle n’a pas de compagnon.

Classiquement, les films qui s’intéressent à ce qu’il est convenu d’appeler la maladie mentale filment les personnes atteints de tels troubles dans les hôpitaux psychiatriques. Ici, le réalisateur interroge surtout leur vie en dehors de ce suivi thérapeutique. Et les montre là où ils vivent : Aube chez ses parents, Yoann à la rue, Marcus isolé chez lui. « Dehors c’est beaucoup plus dur, dit Yoann. Les gens rigolent pas. Les gens te mettent la pression en disant : tu es faible, tu es nul. »

 Il y a des formes et des couleurs dans ma tête. » Aube

Par petites touches, avec finesse et pudeur, le quotidien de personnes atteintes de troubles psychiques est abordé. En particulier avec Aube, qui explique : « Il y a des formes et des couleurs dans ma tête. C’est la maladie. » Mais elle ajoute aussitôt : « Je ne veux pas qu’on parle de la maladie. Je veux refaire de la GRS [gymnastique rythmique au sol, NDLR]. »

Se dessine aussi le lien souvent présent entre précarité et troubles psychiques, en particulier avec l’histoire de Yoann. Ou la difficulté pour les proches de soutenir une fille comme Aube, un père comme Marcus…

On sourit, aux côtés de Yoann, parfois solaire et devant Aube, dont on perçoit le caractère bien trempé. On compatit, face à Marcus, sans doute bien malmené par l’existence pour en arriver à détester l’humanité entière. Sans jamais tomber dans le pathos, Funambules nous offre une galerie de portraits propres à nous ouvrir l’esprit, et les yeux, sur des réalités humaines au fond pas si éloignées de chacun de nous.

Funambules, d’Ilan Klipper – 1h15. En salles.

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