Accessibilité numérique : les sites publics pourraient bien attendre 2027

Publié le 25 novembre 2022 par Emma Lepic
« En matière d’accessibilité numérique, les saisines en cas de non-respect sont compliquées, les sanctions non dissuasives », déplore Fernando Pinto da Silva, président de la commission accessibilité numérique au CNCPH.

Nouveau report du respect de l’obligation légale de rendre les sites et applications publics accessibles aux personnes handicapées. Deux fois en un mois, le Gouvernement a décidé d’attendre pour s’y plier, avec 2027 pour horizon. Dans le dossier de presse du Comité interministériel du handicap du 6 octobre, d’abord. Puis, dans un communiqué de presse du 16 novembre de Stanislas Guérini, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques. Le 24 novembre, devant le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), l’exécutif tente de rétropédaler et reconnaît son retard.

Le cadre légal est clair. Le référentiel général d’amélioration de l’accessibilité (RGAA) prévoyait une mise en accessibilité des sites publics en mai 2012. La directive européenne UE 2016-2102 contraignait les États membres à rendre leurs sites publics accessibles au 23 septembre 2020 et les applications au 23 juin 2021.

Seuls 40 % des 250 démarches en ligne les plus utilisées sont accessibles

Mais on est loin du compte. Dans son rapport sur la dématérialisation des services publics, la Défenseure des droits estimait, en février 2022, que seuls 40 % des 250 démarches en ligne les plus utilisées étaient accessibles aux personnes handicapées. De plus, cet automne le Gouvernement,,choisit de reporter encore le respect de ses obligations légales. Il annonce que 100 % des démarches les plus usuelles seront accessibles d’ici… fin 2027.

Le droit à l’accessibilité numérique bafoué

« Cela traduit un manque d’ambition, commente Fernando Pinto da Silva, président de la commission accessibilité numérique au Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH). Peut-être que s’il y avait eu de vrais contrôles, avec de vraies sanctions prononcées, cela aurait été mis en place. Il suffit de voir comment le règlement général de la protection des données (RGPD), lui, est effectivement mis en œuvre… Mais en matière d’accessibilité numérique, les saisines en cas de non-respect sont compliquées, les sanctions non dissuasives. Résultat : ce droit est bafoué. »

En réaction, le CNCPH a annoncé, le 21 novembre, sa décision de ne pas participer aux trois réunions préparatoires prévues sur le sujet en amont de la Conférence nationale du handicap. Le cabinet de Stanislas Guérini, le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, a reçu le CNCPH le 24 novembre. Mais aucune annonce n’a été divulguée et l’exécutif a invoqué un manque de professionnels formés à ces enjeux pour justifier les retards de mise en accessibilité. Ce qui conduit une source proche du dossier à voir dans cette réunion une opération de communication de rattrapage.

Non-recours et mauvais exemple

En attendant, selon la Défenseure des droits, la dématérialisation des démarches est une des causes de l’augmentation du nombre de saisines reçues en 2021. Et le manque d’accessibilité numérique peut conduire nombre de personnes handicapées à renoncer à faire valoir leurs droits.

À lire aussi : Rapport 2021 de la Défenseure des droits : le handicap toujours premier facteur de discrimination

Pour Fernando Pinto da Silva, « le mauvais exemple donné par l’État peut avoir des effets désastreux et laisser passer le message aux collectivités territoriales, par exemple, que rien ne presse en matière d’accessibilité numérique ».

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