Quand insolite semble rimer avec handicap

Publié le 23 décembre 2022 par Corinne Manoury
Affronter des vagues immenses sans rien y voir, manger avec ses doigts des mets gastronomiques, faire du rap sans entendre… voilà trois récits qui peuvent interpeler. © jcomp sur Freepik

Se lancer dans une aventure sportive ou une activité professionnelle a priori incompatible avec sa condition physique. Se soucier d’accessibilité là où l’on n’imagine pas spontanément qu’elle pose problème… Focus sur trois initiatives qui peuvent sembler insolites à celles et ceux qui n’ont pas de handicap.

Surfer plus grosses vagues du monde sans les voir

Matt Formston, surfeur non-voyant, affronte volontiers des vagues à la hauteur impressionnante. © Capture mattformston.com

Il s’appelle Matt Formston, il est australien et surfeur. Jusque-là, rien que du classique. Il ne manquerait plus que ses cheveux soient blonds, décolorés par le soleil et le portrait-type serait complet.

Sauf que ce sportif de 44 ans arbore un crâne rasé et qu’il est non-voyant depuis l’âge de 5 ans. Fin novembre, cet ancien champion de paracyclisme est parti affronter les plus grosses vagues du monde, à Nazaré, au Portugal. Certaines pouvant atteindre jusqu’à 30 mètres de haut !

Sur son site (en anglais), Matt Formston explique son parcours et sa technique. Comment il utilise son pied avant « comme une canne » pour ajuster ses mouvements. Comment il « ressent la vague et fait ce qu’elle veut »« Je ne suis pas Superman », précise-t-il. Concédant à propos de son exploit à Nazaré, que son handicap l’empêche peut-être d’être terrifié comme tant d’autres surfeurs.

Son prochain défi ? Gagner l’or pour l’Australie aux jeux Paralympiques de Los Angeles en 2028, où le parasurf pourrait faire son entrée.

Une cuisine d’exception à manger avec les doigts

Et si l’accessibilité c’était aussi se régaler d’un menu gastronomique en utilisant ses mains à la place des couverts ? Telle est l’idée ingénieuse qui a présidé à la création des dîners Le Sans Fourchette®.

L’association Mémoire & Santé sensibilise et forme les professionnels de la restauration au handicap invisible des maladies neuro-évolutives. © Vincent Verdureau

Une initiative inclusive qui a vu le jour à Marseille sous la houlette de l’association Mémoire & Santé. Plus précisément, d’un trio de ses membres : la neuro-psychologue et orthophoniste Fabienne Verdureau avec le maître d’hôtel Richard Lepage et le professeur en hôtellerie-restauration Stéphane Pernin.

Concrètement, Le Sans Fourchette® propose aux personnes fragilisées par une maladie neuroévolutive une sortie au restaurant en compagnie de leurs proches et aidants. Dans l’assiette, les bouchées haut-de-gamme se succèdent, de l’apéritif au dessert. Et pour une fois, il n’est pas interdit de se lécher les doigts.

Si le but est bien de « redonner du plaisir à des personnes qui ont perdu certains sens », comme l’explique Stéphane Pernin au média en ligne Made in Marseille, il s’agit aussi de sensibiliser les futurs professionnels de la gastronomie au handicap invisible.

Labellisé Marseille Provence Gastronomie en 2022, Le Sans Fourchette® cherche aujourd’hui à fédérer de grands chefs autour de son concept et à constituer un réseau de partenaires dans toute la France.

Mattéo, jeune rappeur atteint de surdité, perçoit les vibrations de la musique en posant sa main sur une enceinte. © Aurélien Laudy/L’Union

Le sens des mots, les vibrations du son

Devenir rappeur quand on est sourd de naissance : Mattéo a méthodiquement atteint son objectif, lui qui a suivi sa scolarité à « l’école des entendants » et a appris à parler avec ses implants cochléaires.

« Je ne prenais pas de goûter. J’allais au charbon chez l’orthophoniste, à chercher les mots et à galérer pendant deux heures », explique-t-il à Brut. Jusqu’à ses 10-12 ans. Mais finalement, il a perçu le « sens des mots » et celui du son aussi.

Alors, pour rapper, il n’avait plus qu’à appliquer une technique qu’il pratiquait depuis tout petit. Poser sa main sur l’enceinte pour percevoir les vibrations. Et caler ensuite ses paroles sur ce rythme.

« Je ne peux pas rapper trop vite, je ne suis pas Eminem », explique néanmoins celui qui a participé à la dernière édition de La France a un incroyable talent, sur M6. Avant d’ajouter : « Je ne dis pas que j’articule archi bien, mais j’essaie de me débrouiller et de faire à ma sauce aussi. »

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