Soigne, maltraite et tais-toi ! : l’affaire de l’IME Moussaron en BD

Publié le 18 septembre 2023 par Franck Seuret
Suite à son embauche à l'IME Moussaron, Céline Boussié prend progressivement conscience des dysfonctionnements de cet établissement inadapté à l'accueil de personnes handicapées. © La Boîte à Bulles

Dans Soigne, maltraite et tais-toi !, l’auteur Ferenc et le dessinateur François Sanz retracent le combat de Céline Boussié. En 2013, cette salariée avait dénoncé les maltraitances subies par les enfants handicapés accueillis par l’institut médico-éducatif Moussaron, dans le Gers. Une bande dessinée coup de poing sur le scandale de cet établissement totalement dysfonctionnel.

Deux histoires en une. C’est un double récit que propose Soigne, maltraite et tais-toi ! – cette bande dessinée sur le parcours de Céline Boussié. Le premier, c’est celui de la maltraitance au sein de l’institut médico-éducatif Moussaron (Gers) où travaillait cette aide médico-psychologique. Le second raconte les nombreuses violences dont elle a été victime, après avoir décidé de dénoncer la situation, en 2013, et son long combat pour que la réalité des faits soit enfin reconnue par la justice, en 2017.

« Une situation de maltraitance institutionnelle », pour l’ARS

Les accusations portées par Céline Boussié ne supportent pourtant pas l’ombre d’un doute. À la suite de son alerte, l’agence régionale de santé Midi-Pyrénées avait, en effet, dépêché des inspecteurs sur place. Leur rapport, établi en juillet 2013, se révélait aussi précis qu’accablant. « Une situation de maltraitance institutionnelle », résumaient-ils. Ce qui débouchera sur la nomination d’un administrateur provisoire.

Des images tournées en caméra cachée pour un documentaire diffusé sur M6 attestaient également de l’ignominie de la situation : des jeunes lavés dans une salle commune, des pots de chambre pour faire leurs besoins, d’étroits boxes vitrés fermés à clé en guise de chambres…

Des images difficilement soutenables

À Moussaron, ce n’est pas la vie mais de la survie.

C’est l’immersion de Céline Boussié dans cet établissement inadapté à l’accueil de personnes handicapées et sa prise de conscience progressive des dysfonctionnements que l’ouvrage de 128 pages donne d’abord à voir. Les dessins, réalistes, des maltraitances subies par les enfants se révèlent difficilement soutenables. Les choix esthétiques de Ferenc et François Senz, qui signent la BD, sont au diapason : les couleurs sont froides ; les teintes, ternes.

Un des grands mérites du livre est de rendre palpable l’humanité de ces jeunes, polyhandicapés, avec lesquels Céline Boussié apprend peu à peu à communiquer. Cela rend encore plus insupportable de la voir manquer de temps pour accompagner ces résidents dans leur épanouissement personnel.

L’organisation de l’établissement et le manque de personnel la contraignent à courir pour enchaîner toilettes, ménage, alimentation… Ce n’est pas la vie mais de la survie.

Lourd prix à payer pour la lanceuse d’alerte

La seconde partie du récit s’avère toute aussi glaçante, bien que malheureusement vraie. Brimades financières de la part de ses employeurs, insultes en ligne et dans la rue, intimidations physiques… : le prix à payer est lourd pour la lanceuse d’alerte.

Et puis il y a ces plaintes contre la direction de l’établissement, toutes classées sans suite. Qu’elles émanent de salariés, de parents ou de l’État.

Paradoxalement, une seule débouche sur un procès : celle pour diffamation intentée par l’IME lui-même… contre Céline Boussié. Mais cette épreuve supplémentaire se transformera finalement en formidable victoire pour la lanceuse d’alerte. Le 21 novembre 2017, le tribunal la relaxe, reconnaissant la véracité de ses propos et la réalité de la maltraitance.

Reste le regret, fondé mais maladroitement mis en images dans les dernières pages de l’ouvrage, que les dirigeants de Moussaron n’aient jamais été condamnés pénalement. Ce qui n’enlève rien à l’intérêt de ce livre et, surtout, à la justesse du combat mené par Céline Boussié.

À lire aussi – Moussaron : maltraitance sans responsables

♦ Soigne, maltraite et tais-toi ! Ferenc et François Sanz, éd. La Boîte à bulles, 128 pages, 20 €.

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